• Cannes, 26 mai : bilan perso (en attendant le palmarès)

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Les 25 films que j’ai vus au cours de ce 65è Festival de Cannes, en allant butiner dans toutes les sélections, composent une vue en coupe de l’événement, incomplète et subjective (j’ai par exemple fait l’impasse sur le cinéma d’Amérique Latine, dont la surreprésentation a provoqué en moi une indigestion à la simple lecture du programme). Il en ressort néanmoins une tendance nette : les meilleurs moments sont presque tous venus d’œuvres cataloguées comme « mineures », par leur genre ou par leur durée (le beau et épuré Mekong Hotel d’Apichatpong Weerasethakul, qui ne nous demande qu’une heure de notre temps). Ce furent une comédie de mœurs (Adieu Berthe), un documentaire frivole (Room 237, à propos de Shining), un dessin animé pour tous les âges (Ernest et Célestine), un slasher crétin (Sightseers), une chronique adolescente toute en modestie et en douceur (Gimme the loot). En deuxième ligne, on trouve les longs-métrages d’un trio d’auteurs plus renommés mais ayant eux aussi joué la carte de la simplicité : simplicité d’enjeux pour Michel Gondry avec sa virée en bus The we and the I, simplicité de ton pour Takashi Miike avec son délirant Ai to Makoto, simplicité de forme pour Ken Burns avec son documentaire de facture classique The Central Park five.

Dans le même temps, les auteurs qui visaient haut, bien plus haut, affichant des ambitions philosophiques ou plastiques de taille, ont dans leur quasi totalité trébuché à un point de leur ascension de l’Everest du « Grââând film ». Citons pêle-mêle, en les séparant en deux catégories : chez les films « à sujet », Vinterberg et sa Chasse qui n’a plus rien à dire dans sa dernière demi-heure, Haneke et son Amour aux intentions pas si pures que le père fouettard autrichien voudrait nous le faire croire, Cronenberg et son Cosmopolis s’autodétruisant par excès de paroles et manque de choses à dire, l’incolore et sans saveur Dans la brume ; et dans les aspirants « tableaux de maître », le racoleur Les bêtes du sud sauvage ainsi que l’essai de Rosales Sueño y silencio oscillant entre beauté fantomatique et caricature déroutante. Cette faillite de la figure de l’auteur a, d’après les échos que j’en ai eus, marqué la sélection officielle, rassemblement de grands noms (Resnais, Kiarostami, Loach, Cronenberg, etc.) plus que de grands films. Seuls sortent du lot Amour – qui a enthousiasmé beaucoup de monde –, Holy motors de Carax (et encore, seulement dans une part bien spécifique de la critique française semble-t-il), De rouille et d’os d’Audiard, pas encore vu et qui pourrait bien faire une Palme de consensus par défaut, Haneke l’ayant eue pas plus tard que pour son précédent film (Le ruban blanc).

Le même obstacle bouche l’horizon de Au-delà des collines, de Cristian Mungiu (palmé pour 4 semaines, 3 mois, 2 jours), seul aspirant grand film à avoir tenu toutes ses promesses à mes yeux. Mungiu est un brillant faiseur d’images (son usage du cinémascope génère une incroyable intensité) doublé d’un penseur passionnant, cartésien, rigoureux (à ne pas confondre avec rigoriste), considérant toute histoire humaine comme une suite d’actions et de décisions observables, quantifiables presque. Vu il y a une semaine exactement, Au-delà des collines est resté jusqu’au bout le seul film d’exception de mon festival. Il est également le seul « film du monde » (c’est-à-dire hors des USA et de l’Europe Occidentale) à m’avoir franchement marqué. La plupart des autres étaient plutôt faibles et mauvais que l’inverse, exception faite de l’israélien God’s neighbours et l’indien Miss Lovely, deux œuvres dont les qualités et l’envie dépassent largement leurs défauts.

Dans un tel contexte de défection de « l’élite », il est normal que ce soit une sélection parallèle comme la Quinzaine des Réalisateurs qui ait à mes yeux tiré son épingle du jeu, surtout maintenant qu’elle a renoué avec sa vision éclectique du cinéma, ouverte à tous les genres. J’y ai subi comme ailleurs des moments douloureux (El taaib, The king of pigs), mais cinq de mes coups de cœur s’y trouvaient. Et encore, j’ai raté les deux films primés à son palmarès, qui sont paraît-il très plaisants : No, de Pablo Lorrain, et Camille redouble de Noémie Lvovsky.

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