• Effets secondaires, de Steven Soderbergh (USA, 2013)

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Où ?

À Londres, au Cineworld Trocadero

Quand ?

Mi-mars (le film sort ce mercredi 3 avril en France)

Avec qui ?

MaBinôme

Et alors ?

On n’arrête plus Steven Soderbergh. Après Contagion, Piégée et Magic Mike, le cinéaste nous délivre son quatrième long-métrage en dix-huit mois, un rythme qui tient du record de vitesse – ou de précipitation, vu le caractère médiocre et bâclé des trois premiers. Effets secondaires vient heureusement mettre un terme à la mauvaise série, en donnant à voir le film le plus excitant de Soderbergh depuis The girlfriend experience. Cela n’a certainement rien d’un hasard, le réalisateur retournant à Manhattan et à sa mise en scène glacée, et anxiogène, des secteurs de cette île où les très riches se regroupent à l’écart du reste du monde. Les protagonistes d’Effets secondaires sont traders, publicistes, psys. Par-delà ces occupations diverses, ils ont en commun un impératif identique : maintenir son standing personnel à tout prix, y compris si cela se fait au détriment d’autrui. Sur cette trame, The girlfriend experience était politique car le krach de 2008 menaçait ce microcosme doré. Cinq ans plus tard c’est à nouveau business as usual dans les hautes sphères, et la loi de la jungle qui y règne n’est plus que la règle du jeu sardonique d’Effets secondaires.

L’apparente proposition de départ, d’un brûlot contre les pratiques des multinationales de la pharmacie, est un rideau de fumée. Soderbergh abandonne assez vite toute velléité de dénonciation, pour s’en tenir à un divertissement frivole – mais diaboliquement efficace. Et nullement décérébré : d’un bout à l’autre de son histoire, de son premier à son dernier plan (lesquels fonctionnent en miroir), Effets secondaires a pour moteur la lutte des sexes. La domination masculine aussi brutale que totale, et sa contestation par des femmes qui en sont directement victimes. Cette vérité cruelle est le seul élément stable auquel se raccrocher, tandis que le scénario nous emporte dans sa course folle où les twists s’enchaînent jusqu’au vertige. Se propageant tel un virus ils envahissent tout l’espace, annihilent les autres formes de contenu narratif pourtant plus nobles, plus constructives. Le récit emprunte de fait un trajet déclinant, du majeur au mineur, ce qui déconcerte un peu lorsque l’on comprend que le mouvement est irrévocable. Il s’agit alors de faire le deuil des promesses affichées par le premier acte, et d’accepter de s’abandonner au simple plaisir d’un grand huit d’enfumage et de manipulation.

Soderbergh fait tout ce qu’il faut pour faciliter notre conversion. Son film est un exercice ludique dans la veine hitchcockienne, lorsque ce dernier se décidait à jouer sur la surprise, qui contraint le spectateur à être passif, plus que sur le suspense qui nous engage. Effets secondaires soutient la comparaison avec cette glorieuse référence, premièrement grâce à son casting inspiré en plus d’être glamour. Jude Law, Catherine Zeta-Jones, Channing Tatum et la décidemment formidable Rooney Mara sont des choix parfaits pour les places qu’ils ont à tenir dans l’engrenage machiavélique de l’intrigue. La mise en scène est l’autre clé qui assure le succès de l’entreprise. Elle reprend fidèlement les principes à l’œuvre pour The girlfriend experience, comme je l’ai déjà dit, et en fait une utilisation non plus dramatique (exposer les tourments intérieurs des individus) mais récréative. Les cadrages resserrés disjoignent les personnages de leur environnement, en déformant la perception sur leurs bords et dissolvant la profondeur de champ dans le flou, et ainsi soulignent l’atmosphère viciée dans laquelle Effets secondaires se déroule. Quant au montage syncopé, tailladé par des ellipses imprévisibles dans leur surgissement et la durée qu’elles couvrent, il est l’outil idéal pour escamoter des faits et gestes dont la révélation à retardement servira de matière aux twists à venir. Tout cela compose une manipulation menée avec classe et habileté, qui fait la différence entre un bon film jouant avec nous et un mauvais se jouant de nous.

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