• On the other side

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En un autre temps, j’avais abandonné Fringe avec pertes et fracas tant le début de la deuxième saison était saturé en montrage de muscles et d’arrogance des forces de l’ordre ainsi qu’en velléités belliqueuses frustes. Presque deux ans plus tard, je m’y remets suite à la lecture fortuite d’un article des Cahiers du Cinéma rempli de spoilers (forcément, presque deux saisons étant passées par là) qui sont avant tout autant de promesses sur ce que la série est devenue. Restait donc à juger par moi-même sur pièces, en reprenant là où je m’étais arrêté : après l’épisode 2X05.

Et bien sûr, ça ne rate pas, celui-ci était le dernier à sortir du moule honni qui m’avait fait fuir. Dès le suivant se fait sentir une inflexion forte dans une direction tout autre – plus humaine, plus intime. Cela vient du recentrage de la série sur son trio de personnages principaux, l’agent Olivia Dunham, le docteur Walter Bishop et son fils Peter. Ils ne sont plus simplement les spectateurs ou les acteurs purement factuels des enquêtes qu’ils mènent. À chaque fois, au moins l’un des trois est confronté à une implication émotionnelle de sa part provoquée par leur sujet d’investigation. Le plus souvent cela tombe sur Walter, les auteurs du show exploitant à plein ce qui était dès le départ l’un des éléments à plus fort potentiel de leur création : positionner parmi les protagonistes de premier plan un sexagénaire borderline car ayant les deux facettes du génie. Walter est plus que brillant dans tous les domaines de la science, mais cela le rend déphasé vis-à-vis du monde (avec un long épisode en hôpital psychiatrique) et dangereux pour la société – au cours de la saison un nombre grandissant d’affaires mènent à des travaux menés par Walter dans sa première vie, de scientifique enivré de son talent et sans barrière éthique.

Olivia et Peter ont eux aussi leurs démons refoulés du passé, et les relations personnelles entre les trois individus sont par ailleurs suffisamment (bien) développées pour que leur trio soit encore plus intéressant que la somme de ses parties. C’est dorénavant clairement l’histoire du cheminement intime et humain de ce trio que raconte Fringe – par les voies détournées de phénomènes paranormaux, expérimentations ayant mal tourné et autres meurtriers monstrueux renouvelés à chaque épisode. Épisode après épisode, la deuxième saison de la série façonne ainsi avec assurance un concept discrètement révolutionnaire. Une hybridation ultime entre les trois grandes manières de raconter une série TV, le stand alone (succession d’épisodes sans lien entre eux, qui posent leur intrigue en introduction et la résolvent en conclusion), la « mythologie » (quand un récit plus vaste que les personnages nous est révélé par petites touches savamment disséminées – le modèle Lost), et le quasi temps réel (quand les épisodes d’une saison – dans The wire – voire de la série entière – Breaking bad – déploient un récit continu, unique, sans ellipses et sans interruptions ni réinitialisation des enjeux. Le mélange fonctionne à merveille et son résultat, de plus en plus captivant, atteint son zénith – pour l’instant ! – dans les épisodes 2X16, « Peter » et 2X18, « White tulip ». Deux épisodes à double fond1 : le premier, qui nous ramène en 1985 (adaptation du design du générique incluse), est à la fois un poignant mélodrame familial, et un classique instantané dans le genre des paraboles mettant en garde contre les méfaits de la science sans conscience – avec en particulier cette superbe réplique, « There has to be a line somewhere. There has to be a line we can’t cross ». Le deuxième se paye le luxe de faire du voyage dans le temps un élément de second plan de son histoire (superbement traité toutefois) ; un véhicule pour la résolution d’un terrible dilemme personnel.

C’est là un autre point qui assure la réussite phénoménale de la deuxième saison de Fringe : les intrigues de science-fiction qui portent chaque épisode sont particulièrement inspirées. Tout ayant déjà été fait dans le genre, il ne s’agit le plus souvent que de variantes sur des thèmes classiques – univers parallèles, contrôle des pensées, malformations génétiques, virus et contaminations en tout genre… mais ces variations les exploitent avec brio, en y apportant leurs petites touches personnelles ainsi qu’une vitalité qui leur redonne une jeunesse irrésistible. L’épisode 2X13, « What lies below » en est le meilleur exemple.

Pourvu que ça dure, donc. Un bon premier signe : l’épisode 2X19, qui marque le retour des « soldats » de l’autre univers et avec eux de la thématique guerrière, reste tout de même catégoriquement appuyé sur les affects du trio Walter-Peter-Olivia d’une part, et des considérations scientifiques « ludiques » (comment ça marche, le passage d’un univers à l’autre ?) d’autre part. Soit précisément les deux raisons de la bonne fortune de Fringe.

1 et dans lesquels le talent de l’acteur John Noble, qui interprète Walter, embrase l’écran

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