• Weeds, saison 6, dans les pas de Tarantino

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Ayant toujours une poignée de trains de retard, Canal+ vient seulement de diffuser la saison 6 de Weeds alors qu’aux USA, c’est la saison… 8 qui vient de s’achever, et avec elle la série, pour de bon. Je ne sais pas encore si les saisons 7 et 8 poursuivent sur cette lancée, mais la saison 6 s’est avérée superbe, pas loin d’être la meilleure d’une série qui n’en finit pas de se bonifier avec le temps. Une raison en est la croissance des enfants de Nancy Botwin, l’héroïne : en grandissant Silas et Shane deviennent des individualités plus riches, plus complexes, soit une évolution qui s’accorde tout à fait avec la prédilection de la série pour les personnages fouillés et hauts en couleurs (le petit rôle tenu par Richard Dreyfuss dans les derniers épisodes en est le dernier exemple en date). Dans cette saison 6 Silas et Shane s’affirment pour la première fois crânement en tant qu’égal de leur mère, et de ces frictions jaillissent de belles étincelles tout au long des treize épisodes.

Weeds doit une part encore plus grande de sa réussite cette saison à sa radicalité. Celle-ci ne cesse de se renforcer, depuis qu’elle s’est révélée comme planche de survie quand la série était au bord de l’asphyxie, dans la pénible saison 3. Un grand coup de balai plus tard, qui envoyait toute la mauvaise troupe au Mexique, la machine était relancée pour les déjà excellentes saisons 4 et 5. En trouvant les moyens et le cran de se projeter plus en avant dans cette voie, de rejeter plus sèchement tout compromis boiteux, Weeds s’affiche définitivement comme un modèle à suivre. Elle prouve qu’une conduite ferme et sans concession, soit à l’opposé du ronronnement sans risque réel privilégié par la majorité des séries, est non seulement possible mais également d’une grande puissance. La vérité de cette saison est implacable : Nancy est une fugitive coincée entre le marteau du cartel et l’enclume du FBI, et sa famille l’accompagne dans sa fuite car aucune autre alternative n’existe pour eux. Portée par ce vent mauvais la série ne se démonte pas, et assume son choix de direction en acceptant résolument d’en tirer les conséquences. C’est-à-dire la disparition, sans un regard en arrière, des personnages qui ce cadre narratif restreint n’intègre plus ; et, plus rude encore, le glissement vers un ton bien plus dramatique que comique. Les circonstances sont telles que l’humour n’a plus rien d’évident ou de garanti (ou alors uniquement sous une forme très acide), réalité à laquelle Weeds se plie sans broncher.

La créatrice Jenji Kohan n’a aucun scrupule à échafauder des épisodes se terminant mal pour les Botwin, comme autant de sèches démonstrations du caractère complètement anti-glamour du fait d’abandonner son identité et les droits qui vont avec. L’accès à l’éducation (s’inscrire à la fac), aux biens de consommation (gagner une voiture à un concours), à la santé (faire soigner son nourrisson par un pédiatre) n’est plus garanti, ni même souhaitable si l’on ne veut pas attirer l’attention sur soi. Le déclassement qui était la hantise de Nancy depuis l’origine de la série s’abat finalement sur elle, avec une violence sans rapport avec ce qu’elle et nous aurions pu imaginer. Weeds devient tragique, et au milieu de cette tragédie Nancy dévoile un nouveau visage, d’héroïne formidable et inexpugnable. Dans le genre fugueuse avec enfant confrontée à un gang sanguinaire, elle tient la comparaison avec la Beatrix Kiddo de Kill Bill, les arts martiaux en moins. Son énergie du désespoir, son refus viscéral de la moindre petite défaite ou faiblesse, l’amour infini qu’elle porte à ses enfants rappellent énormément le film de Tarantino. Ce n’est pas la première fois que cette filiation se fait jour – déjà dans la fin de sa saison 2 Weeds se posait en digne héritière de l’esprit de Pulp fiction. La question mérite donc d’être posée sérieusement, surtout au vu du nombre d’opportunistes minables qui se réclament de lui sans posséder la moindre trace du talent que cela requiert : et si avec Weeds, c’était à la télévision que Tarantino avait trouvé un successeur à la hauteur ?

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