• « Post-sitcom » : Weeds et Californication

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Où ?
A la maison, à la télé (sur M6 pour Californication, Canal+ pour la saison 2 de Weeds) et sur PC (la saison 3 de
Weeds).

Quand ?
Ce week-end.

Avec qui ?
Ma femme, accro aux séries en général et à Weeds (entre autres) en particulier.

Et alors ?

La sitcom américaine classique évolue selon un schéma très calibré : une durée courte (20-25 minutes par épisode), un groupe varié et fourni de personnages principaux, des décors neutres et
universels – bar, appartement, bureau – et, comme le nom sitcom (= situation comedy) l’indique, à chaque épisode 1 ou 2 situations comiques qui se résolvent une fois les 20 minutes
écoulées. Le genre a atteint son apogée dans les années 90, sous le règne de Friends, Seinfeld et Sex and the city.
Après la période de creux qui a suivi l’arrêt de ces mastodontes, la sitcom renaît depuis quelques années par le biais de rejetons indignes qui reprennent les règles érigées par leurs aînés pour
mieux les contourner, les altérer, voire les déchirer.

Rendons à César ce qui appartient à César, c’est la complètement déchaînée et déjantée – et aujourd’hui complètement morte – Arrested development qui a ouvert la voie.
L’arme utilisée (un déluge de napalm d’humour non-sensique à plusieurs strates, débité scène après scène par des personnages pervers, simplets, tricheurs) était juste trop sauvage pour assurer la
survie sur la durée d’un tel ovni. N’empêche, de nombreuses caractéristiques se retrouvent désormais, sous une forme – à peine – plus sage, dans les 2 fleurons comiques de la chaîne câblée
Showtime : Weeds et Californication. 2 des principes de base d’une sitcom y sont rejetés : le lieu (une banlieue pavillonnaire
richissime, et Los Angeles) tient une place prépondérante dans l’action, et les tournages s’effectuent d’ailleurs pour une grande partie en extérieurs ; et le classique groupe de héros est
dominé par un véritable personnage central, étoffé psychologiquement et dont les péripéties et états d’âme courent d’un épisode à l’autre. Ce surplus d’informations à traiter change du tout au
tout l’utilisation qui est faite des 20 minutes réglementaires. A l’heure de Weeds et de Californication, les sitcoms ne sont plus modestes,
linéaires et gratuites, mais ouvertes sur le monde, ambitieuses et bourrées d’ellipses jusqu’à en devenir des portraits impressionnistes de leur époque.

Weeds existe depuis 3 ans déjà (la 4è saison va démarrer cet été aux USA). On y suit les aventures de Nancy, bourgeoise aisée qui se lance dans le deal de drogue pour
maintenir le niveau de vie de sa famille après la mort soudaine de son mari. L’idée est déjà en soi jouissive de cynisme ; l’utilisation qui en est faite l’est encore plus. Nancy est le
point central d’un microcosme décrit au vitriol, où chacun a des secrets, des mesquineries et des rancœurs qui renvoient le surestimé Desperate housewives à toute sa
platitude. Weeds bénéficie d’une telle qualité d’écriture que ces personnages, de l’oncle immature et obsédé à l’amie évoluant entre la mégère et la hyène, sont à la
fois crédibles, drôles à leurs dépends et touchants.

Ils possèdent en effet tous une réelle consistance, construite à coups de petits détails et de gros soucis, que la créatrice du show Jenji Kohan choisit de porter au point de rupture (pour tous
simultanément) dans un quadruple (!) épisode d’une longueur totale équivalente à celle d’un long-métrage. A cheval sur les saisons 2 et 3, ce morceau de bravoure se déroulant sur une seule et
même journée vient couronner de la manière la plus incroyable qui soit l’ensemble des intrigues développées pendant les 20 premiers épisodes. Couronner, et conclure, car tout est remis à plat
dans un geste révolutionnaire pour une sitcom – genre où la stagnation est reine. Difficile de ne pas être impatient de découvrir comment les uns et les autres vont rebondir, d’autant plus que le
début de la saison 3 marque une réelle évolution dans le ton de la série : de transgressif et bon enfant, l’humour y devient rageur et inquiétant. Chacun tire dans les pattes du voisin, la
violence physique s’invite pour de bon dans les relations (alors qu’avant elle se transformait par un joli tour de passe-passe en d’improbables et délurées scènes de sexe)… comme s’il n’était
plus possible aux USA de rire en toute franchise tout en fermant les yeux sur ce qui va de travers.

Pendant que Weeds effectue sa révolution, Californication vient investir le même créneau. Comme Weeds,
Californication prend comme point de départ comique les malheurs de son personnage principal : Hank est un écrivain en panne d’inspiration, qui depuis que sa femme
l’a quitté erre dans le Los Angeles chic en couchant avec tout ce qui est féminin et plutôt mignon. Et entre 2 parties de jambes en l’air, il réalise des exploits de haute volée comme kidnapper
le chien d’un rival ou vomir sur le tableau de maître d’un autre. Californication a des airs de coup marketing : Hank est joué par David Duchovny, dans une
opération « contre-emploi » déjà fructueuse puisqu’elle a rapporté un Golden Globe à l’acteur ; et la qualité d’écriture du show n’a rien d’exceptionnel, avec des personnages
inégaux et des recettes déjà éprouvées ailleurs. On ne restera donc peut-être pas accro plus d’une ou 2 saisons, mais pour le moment les bonnes idées sont là (Hank couche sans le savoir avec la
fille du nouveau fiancé de son ex-femme ; son agent découvre que son assistante 2 fois plus jeune que lui adore jouer à l’esclave…) et le plaisir évident de Duchovny à se vautrer dans la
méchanceté envers ses prochains et la luxure envers ses prochaines est absolument communicatif.

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