• The Rock, de Michael Bay (USA, 1996)

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Où ?

A Londres, à la TV sur BBC 3

Quand ?

Samedi soir

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Souvenez-vous, dans les années 90, avant de se piquer de science-fiction futuriste et d’images de synthèse à tout-va, Michael Bay était un jeune cinéaste prometteur et qui semblait en mesure de contribuer à écrire le futur du cinéma d’action hollywoodien. Et oui. On lui a du coup donné les clés d’un camion 36 tonnes (Armageddon), expérience qui a tellement plu au réalisateur qu’il n’a plus fait que ça depuis, délaissant totalement l’idée de créer quoi que ce soit et perpétrant à la chaîne des films aussi massifs qu’ils sonnent creux – on parle d’un type qui en est à son troisième Transformers de suite, sans aucun autre projet intercalé. Certes, ni son premier long Bad boys ni son deuxième The Rock n’avaient la carrure de classiques intemporels. Mais il y brûle tout de même une petite flamme d’audace et de vitalité suffisante pour en faire des divertissements honnêtes, et que l’on prend même plaisir à revoir.

The Rock, en particulier, est certainement le meilleur film de Bay. Ce qui ne veut pas dire que l’on n’y retrouve pas la même sensation de boursouflure et de fatras généralisé qui prédomine dans toute sa carrière. Bay est incapable de mener un scénario de manière convenable – sans même parler de fluide. Les personnages monopolisent l’écran ou s’éclipsent de manière aberrante ; les digressions se multiplient et sont exécutées avec une débauche d’énergie telle qu’elles nous éloignent résolument de l’objectif premier du récit. L’exemple évident, qui synthétise peut-être même toute la filmographie à suivre de Bay, est la poursuite en voiture à travers les rues de San Francisco, complètement inepte pour un ensemble de raisons qui impactent l’écran toutes en même temps. Ces raisons se répartissent pour moitié entre celles qui concernent la composition de la scène en elle-même, patchwork hystérique de tous les éléments de danger les plus clichés du genre ; et celles ayant trait à la place dans le récit de cette séquence qui est bien plus que superflue. Le qualificatif de nuisible est plus approprié, cette scène de poursuite1 ouvrant, avec d’autres, un véritable trou noir narratif dans un film qui avait démarré sur les chapeaux de roues (l’exposition de deux des trois personnages principaux, la prise d’otages à Alcatraz) mais où finalement les deux héros n’arrivent sur l’île-prison qu’au bout d’une heure complète.

Une fois qu’ils y sont, tout va beaucoup mieux. Bay se voit alors borduré sur plusieurs flancs : par cette unité de lieu, par une unité d’action tout aussi stricte (des missiles à trouver et à rendre inopérants en un temps limité), et par la prédisposition de ses comédiens têtes d’affiche à s’approprier leurs rôles comme bon leur semble. Ed Harris rend son personnage de méchant complexe et même touchant, en profitant de la nature pré-11 septembre 2001 de The Rock : sans la contrainte d’un devoir d’union nationale, le script lui donne du grain à moudre avec les questionnements sur le patriotisme et le sacrifice pour son pays qui s’y trouvent en filigrane. Nicolas Cage, égal à lui-même, fait son savoureux numéro de funambule électrique et qui semble sans cesse à la limite de dégoupiller en emportant son rôle dans la déflagration. Last but not least, Sean Connery signe là son ultime performance mémorable avec un personnage qui boucle très astucieusement la boucle avec l’icône James Bond de ses débuts. Avec sa présence, ainsi que celle, imposante, de la forteresse d’Alcatraz et ses tunnels ancestraux, c’est en fin de compte un véritable front « vétéran » sûr de sa puissance et de sa stature qui se dresse face au style disloqué et syncopé de Bay et le canalise (un peu, en tout cas). Ce qui est tout sauf un mal, puisque le film est clairement enrichi par cette alliance des contraires. Bay n’a malheureusement pas été de cet avis, puisqu’après The Rock il a toujours pris soin de filmer des scénarios sans unité de lieu ou d’action, mais avec au contraire des péripéties multiples se déployant sur un terrain de jeu immense ; et de s’attacher les services d’acteurs suffisamment peu charismatiques pour ne pas faire d’ombre au film et à son créateur2. Tant mieux pour son ego, tant pis pour nos yeux.

1 dont une analyse complète, qui prendrait un (long) article à elle seule, est disponible sur demande

2 à deux exceptions près : Bruce Willis dans Armageddon (mais il meurt à la fin) et Will Smith dans Bad boys 2 (mais il est étouffé comme nous tous par les gesticulations exaspérantes de Martin Lawrence)

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