• The Avengers, de Joss Whedon (USA, 2012)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles, dans une grande salle (en 2D)

Quand ?

Mercredi soir, à 22h

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Plus fort que les suites de films à succès qui peinent à se monter car il faut réunir tous les acteurs et satisfaire leurs caprices à coups de gros chèques, The Avengers innove en créant le film qui nécessite que l’on en tourne quatre autres au préalable pour introduire tous ses protagonistes. Quatre niveaux de fondations pour un niveau de film (même si évidemment une suite – au moins – est dans les tuyaux), donc, dont un seul peut se prévaloir d’une légitimité à exister par soi-même. Si Iron Man, premier étage de la fusée sorti en 2008, tient debout de manière autonome, au point d’avoir déjà eu sa propre suite, les trois autres ont été faits uniquement pour que The Avengers sorte de terre, et n’ont donc rien ou presque de naturel, de pertinent. Thor et Captain America ont été expédiés l’été dernier à la suite l’un de l’autre, et Hulk a été remis au goût du jour, dans une version tant qu’à faire plus lisse et producer friendly que celle d’Ang Lee. Mais il faut croire que la bête verte reste difficilement domptable, puisqu’entre son reboot et The Avengers le studio a dû à nouveau changer d’acteur : après Eric Bana chez Ang Lee, après Edward Norton, c’est Mark Ruffalo qui reprend le rôle.

L’embêtant est que même avec huit heures de prologue tout cumulé derrière lui, The Avengers trouve le moyen d’être fastidieux et lourd. Il se range à son tour dans la catégorie des récits d’exposition, en faisant de la constitution de l’équipe des super-héros son enjeu essentiel et de leurs incompatibilités de planning ou d’humeur les principaux obstacles sur son chemin. Ce programme peu étourdissant en soi (le film souffre de l’absence d’un méchant charismatique et menaçant en lieu et place du pantin geignard à la manœuvre) est déroulé de la manière la plus monotone qui soit, par une enfilade de tunnels de dialogues bavards, statiques, plats dans la comédie comme dans le drame. Avant d’en arriver à la grande bataille finale[1] menée par les Avengers enfin réunis et solidaires, on a tout le temps de sombrer dans l’ennui avec pour tout contenu à se mettre sous la dent deux courtes escarmouches, et une séquence d’engueulade générale enfin bien écrite. En pas loin de deux heures de temps, ça fait peu. Surtout que ce qui remplit le reste de ces heures n’est pas juste quelconque, mais ramène à la vie tout ce que la fabrique de blockbusters hollywoodiens a pu avoir de bourrin et bas de plafond dans un passé que l’on pensait révolu depuis le saut dans l’ère numérique.

J’ai déjà évoqué l’humour indigent (chaque personnage a son unique blague attitrée, dupliquée ad nauseam jusqu’au bout), il y a aussi cette démonstration idéologique exaltant la grandeur musculaire et militaire des USA et occultant tout recours à l’intelligence, rejetant toute présomption de complexité dans les événements ou les caractères. Tout est carré et manichéen, en application directe du discours immémorial repoussant l’ennemi à l’extérieur et célébrant l’union parfaite de tous les membres de la société, lesquels sont talentueux, moralement bons, volontaires, prêts au sacrifice. Aucun des personnages, pas mal Hulk, n’échappe à cette agaçante entreprise de blanchiment des consciences. Hégémonique et sommaire dans le fond, The avengers est tout aussi pauvre sur la forme, ne proposant aucune idée scénaristique neuve, aucune vision formelle ébouriffante. Il déroule son programme avec la sûreté et la sécheresse d’une machine. La présence au poste de commande du trublion Joss Whedon, créateur de séries tv parfois à succès (Buffy), parfois malmenées par le diffuseur (Dollhouse), parfois maudites (Firefly), ne change rien à l’affaire. Whedon renonce à toute forme d’aspiration artistique un tant soit peu personnelle et endosse les habits d’exécutant discipliné, de contremaître s’assurant du bon déroulement du chantier de bétonnage. De ce point de vue, c’est un succès : The Avengers a les deux pieds coulés dans le béton hollywoodien le plus brut et triste qui soit, ce en quoi il ne dévie pas de la ligne initiée par son prédécesseur Iron Man (l’étalage cynique et clinquant de richesse en moins, Tony Stark devant composer avec trois pairs surhumains).

Et cette bataille finale, alors ? Elle relève à peine le niveau. Certes il y éclate, enfin, une volontariste débauche d’énergie, qui se concrétise essentiellement lors d’un plan-séquence euphorique allant d’un Avenger à l’autre alors qu’ils combattent chacun séparément dans les rues et sur les toits de New York. Mais cet élan est au service d’une situation qui nous ramène quinze ans en arrière, au climax d’Independance day dont elle est la photocopie décomplexée, visuellement et narrativement. Triple peine : le manque d’inspiration qui conduit à l’imitation, la médiocrité de l’œuvre prise pour modèle, et l’arrière-goût désagréable de la posture morale arrogante et rigide de celle-ci. Après une passionnante décennie de doute, d’angoisse et d’ambivalence, l’Amérique semble déterminée à se projeter à nouveau invincible et triomphante sur les écrans de cinéma. Tous nos espoirs se reportent désormais sur The dark knight rises, qui seul paraît en mesure d’endiguer ce renversement d’image.

[1] laquelle était quasiment le seul moment mis en avant par la bande-annonce

2 réponses à “The Avengers, de Joss Whedon (USA, 2012)”

  1. D&D dit :

    Oh la la, je l’ai vu hier soir, tant on s’en est gargarisé dans les médias… Et j’y allais de bon coeur, pensant que ce serait le blockbuster (au moins) sympa de l’année… Sauf que : je finis plus que d’accord avec pratiquement la totalité de votre billet (si ce n’est que j’attends rien de chevalier noir :-) ).

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