• Rengaine, de Rachid Djaïdani (France, 2012)

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Où ?

Au ciné-cité la Défense

Quand ?

Dimanche midi

Avec qui ?

MaBinôme

Et alors ?

L’accélération radicale subie par Rengaine entre son tournage de galère et sa distribution confortable montre une fois de plus le rôle majeur que peuvent tenir – et par conséquent, que se doivent de tenir – les festivals de cinéma. La métamorphose de Rengaine de crapaud méprisé en prince charmant jusqu’aux multiplexes (UGC le passe dans neuf de ses cinémas) tient à un évènement : Cannes. Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, au même titre que les longs-métrages de Podalydès ou Lvovsky (pour s’en tenir aux réalisateurs français), celui de Rachid Djaïdani a pu se faire remarquer – et pas qu’un peu, les festivaliers étant friands de telles surprises qu’ils ont tôt fait de faire muter en « phénomènes », quitte à en rajouter des tonnes au rayon superlatifs. S’il n’est pas à mon sens un grand film, Rengaine est bel et bien un bon film, qui mérite pour cette raison une diffusion non confidentielle.

Le parallèle avec Donoma est inévitable, alors autant le traiter sans attendre. Même débrouille artisanale pour la production (transformée en argument choc de vente : « 9 ans » de tournage ici, « 150 euros » de budget là) et même énergie brute jetée dans les prises ; même positionnement militant au cœur de la mêlée des minorités (in)visibles, renois et rebeus, et même aspiration à la poésie pour sortir par le haut ses protagonistes du marasme du ghetto. En ce qui me concerne, la comparaison s’arrête là. Autant Donoma m’avait fatigué avec ses semelles de plomb chaussées à chaque pied (forme pompière et propos grandiloquent), autant Rengaine m’a suffisamment séduit pour que je ne lui tienne pas rigueur de ses limites. Oui, dans sa mise en scène Djaïdani se contente pour l’essentiel de ses précieuses matières premières, sa fougue, l’immense variété de décors offerte par Paris, sans chercher à les raffiner. Et oui, ses personnages ne sont pas plus que des vignettes, tout entiers définis par leur présentation initiale. Oui, mais avoir de l’ardeur à revendre et savoir la préserver d’un bout à l’autre d’un film constitue déjà une qualité qui n’est pas donnée à tout le monde – même chose pour le fait d’avoir l’œil pour les décors intéressants. Quant au développement sommaire des personnalités et identités du groupe, il circonscrit évidemment le potentiel du récit, mais trouve sa justification dans l’évident positionnement comme conte que Djaïdani confère à sa Rengaine.

Les éléments de l’histoire ayant soit une portée allégorique, soit une nature fantasmagorique abondent. À la romance façon Roméo et Juliette entre Sabrina, l’algérienne de famille musulmane et Dorcy, le noir de confession chrétienne, Djaïdani ajoute ainsi, entre autres, pour son héroïne une quantité astronomique (quarante !) de frères grincheux, pour son héros une accumulation de piges rocambolesques et avilissantes comme concrétisation de son désir de percer en tant que comédien. Ce point annexe du film symbolise bien l’écart existant entre Donoma et Rengaine, le premier prenant bien trop au sérieux la pratique artistique, au point de l’asphyxier, quand le second use avec finesse du décalage comique pour faire passer des idées tout aussi valables. Au-delà de la simple question de la résolution de sa proposition de départ, et du parcours de son panorama incisif des coups de tension entre les communautés vivant côte-à-côte (mais pas ensemble), Rengaine a en effet autre chose à exprimer. Qui tient au savoir lucide qu’une fois réglé cet accroc plus majeur que les autres, tous les personnages n’y auront gagné que le droit de reprendre le fil de leurs vies de galères et de frictions qui n’attirent le regard de personne. Un prétexte efficace, une aventure alerte, un propos pertinent passé en sous-main : Rengaine a bien tout d’un conte digne de ce nom.

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