• Real steel, de Shawn Levy (USA, 2011)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles

Quand ?

Samedi soir il y a dix jours, à 20h

Avec qui ?

MonFrère

Et alors ?

Selon toute vraisemblance, la carrière française de Real steel risque de très vite s’éteindre, étouffée sous le poids du mastodonte Le secret de la Licorne. En même temps, indépendamment de ces circonstances on ne peut pas vraiment dire qu’un effort particulier a été fait sur la promotion et la diffusion du film, lâché dans l’arène comme un vulgaire blockbuster qu’il n’est absolument pas. De même que La planète des singes : les origines cet été, bien que sur un terrain différent, Real steel appartient au front du renouveau du spectacle de qualité made in Hollywood. Renouveau qui n’a rien de magique ; il repose tout simplement sur la redécouverte et la réactivation de quelques recettes vieilles comme la ville du cinéma, et qui n’ont jamais fait défaut à ceux qui ont mis leur destin cinématographique entre leurs mains. Il suffit de formuler auprès de ce génie de la lampe les trois souhaits suivants pour décrocher un divertissement impeccable et triomphateur : souhaiter la victoire de la passion sur l’obéissance, de la sincérité sur les calculs, de l’underdog (encore plus bas que l’outsider) sur le système établi.

Tout cela a des airs d’énième mise en images du mythe américain dans ce qu’il a de plus faux et exaspérant. Bien sûr. C’est même pour cela que Real steel fonctionne si bien, et se rend si irrésistible ; car il embrasse sans réserve cette mythologie chevillée au cœur des américains. Lesquels savent certainement, rationnellement, tout ce qu’elle a d’illusoire voire même de mensonger. Mais cela ne les empêche pas d’y trouver une source d’inspiration inépuisable, et si intense qu’elle provoque l’émerveillement et le ravissement de tout spectateur quel que soit son état d’esprit. C’est le pouvoir impérissable du conteur, dans son expression moderne. Pour l’acquérir à son tour, Real steel prend trois modèles sensiblement éloignés les uns des autres mais entre lesquels il réussit de manière admirable à créer une alchimie. Il y a la nouvelle de Richard Matheson Steel, qui donne au film son idée de départ – un futur proche dans lequel les sports de combats entre humains ont été remplacés par une boxe aux règles fourre-tout entre robots contrôlés à distance. Plus grands, plus puissants, destructibles à l’envi, les robots permettent l’accomplissement du sport-spectacle sous sa forme la plus explosive et donc jubilatoire pour le public. Real steel ne traite pas cet aspect sous l’angle de la sauvagerie tapie au fond de l’humanité, mais via celui plus actuel – et plus grand public aussi, il est vrai – de la puissance presque magique du divertissement virtuel. Les robots commandés par joysticks, commande vocale ou tableau de contrôle semblable à une borne d’arcade sont autant d’extrapolations des dernières évolutions vidéoludiques en date, qui plus est particulièrement inspirées dans leur représentation visuelle et ergonomique. Le film se joue ainsi de son impossibilité à exprimer l’interactivité du jeu, et parvient malgré tout à nous faire ressentir l’excitation des manipulateurs de robots géants.

Toujours dans la logique du divertissement tous publics, Real steel trahit une seconde fois le texte de Matheson en lui greffant une intrigue de relations entre enfants et parents remplie de bons sentiments et menant vers un happy end inéluctable. Là encore, le film prouve que l’important n’est pas tant le choix des armes que leur maniement. La relation entre le père et le fils repose sur la riche idée que le second ne corrigera aucun des torts du premier (impulsif, d’une mauvaise foi confondante, fuyant ses responsabilités) mais au contraire les possède tous, et sous une forme plus radicale encore. Et cela marche à tous les coups de voir ce gamin de onze ans exprimer quelles que soient les circonstances un caractère encore plus tête brûlée et mauvais perdant que son géniteur – évidemment ravi de suivre le mouvement. Le développement narratif de ce duo plus comique que sentimental est de plus soutenu de bout en bout par un humour espiègle (on trouve là la patte, mineure mais utile, du réalisateur yes man Shawn Levy – La nuit au musée 1 et 2), qui fait bien sentir que le but de l’entreprise n’est pas de se prendre au sérieux.

Sa combinaison goguenarde d’un univers de S-F et d’un enfant héros ferait de Real steel un simple succédané de sales gosses de Super 8, très divertissant mais anecdotique, s’il n’avait dans sa manche un troisième et ultime atout : sa relecture quasiment au mot près du scénario de Rocky. On ne peut pas réellement parler de plagiat, tant l’histoire a servi des dizaines de fois avant et après le film de Stallone ; et puis il est d’une telle efficacité que l’on s’en passerait pour rien au monde. A force de croire en son duo de héros contre le monde entier, Levy nous embarque avec eux sur la route des combats de boxe de robots depuis les pires coupe-gorge jusqu’aux arènes géantes où officie l’élite mondiale – les premiers comme les secondes bénéficiant d’un magnifique travail de production design, le savoir-faire hollywoodien à son meilleur. La dissociation des enjeux opérée entre d’un côté les coups physiquement encaissés (par le robot), et de l’autre l’affront moral à surmonter (par l’humain), permet à Real steel de dépasser son modèle au cours de la classique dernière séquence de consécration du courage et du refus d’abdiquer. Les deux combats, du robot sur le ring et de l’humain en dehors, s’y retrouvent évidemment mis en parallèle à l’approche de leur point d’orgue. L’idée absolument brillante du film de les mettre visuellement en parallèle, au moyen d’une astuce de scénario au long cours, donne au climax de Real steel un élan fabuleux. Le film se hisse alors dans le cercle restreint des divertissements populaires véritablement à même de nous faire nous soulever de notre siège pour partager les exploits extraordinaires de ses héros ordinaires.

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