• Premium rush, de David Koepp (USA, 2012)

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Où ?

A l’UGC Orient-Express

Quand ?

Mardi matin, à 9h30

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Le cinéma de série B est un artisanat mineur qui peut enfanter de grandes réalisations, lorsqu’il est pratiqué avec soin, talent et surtout une implication sans faille. La pire des erreurs est de le mépriser – ce que fait par exemple le misérable Des hommes sans loi lui aussi sorti ces jours-ci, qui se fantasme en grand film, vénérable et imposant, quand en pratique ses maigres munitions (casting, intrigue, regard porté sur celle-ci) relèvent de la pure série B, et très moyenne qui plus est. A l’inverse, la meilleure des conduites est d’estimer cette manière de faire des films, d’en suivre les principes à la lettre et sans se croire plus malin qu’eux – elle vous le rend alors au centuple, avec au bout du compte un résultat à même de ravir le public.

Premium rush fait figure de cas d’école, tant il est discipliné et accompli. Son scénario incorpore fidèlement les éléments indispensables à un bon récit d’aventures et de suspense, tels qu’ils ont été établis une fois pour toutes par Hitchcock. Ils sont peu nombreux, et n’ont vraiment rien de sorcier : un gentil jeune et inconscient, un méchant plus âgé et dément, et un McGuffin, prétexte à ce que le second pourchasse sans pitié le premier. Dans Premium rush cela donne : un coursier à vélo, un policier véreux et criblé de dettes de jeu, et une enveloppe dont le contenu vaut 50000 $, que le premier doit livrer et dont le second veut s’emparer. Pour rehausser encore un peu plus le goût de sa composition, le réalisateur et scénariste David Koepp a trouvé un nappage idéal – faire se dérouler sa course-poursuite dans les rues de New York, avec toute la variété de décors et d’atmosphères que cela autorise. Koepp, c’est un nom aussi connu des cinéphiles qu’anonyme en dehors de cette sphère. Dans les années 90, âgé d’à peine trente ans, il déboula à Hollywood comme scénariste pour rien de moins que De Palma (L’impasse, Mission : Impossible, Snake eyes) et Spielberg (Jurassic Park 1 et 2, plus tard La guerre des mondes[1]). Il est également l’auteur des scripts de Panic room pour Fincher et Spider-Man pour Raimi. En filigrane de ces services pour des projets de première classe, il poursuit une carrière de réalisateur assez étonnante car s’inscrivant résolument dans la série B modeste, faite de bouts de ficelle. On lui doit les deux variations ludiques et intelligentes sur le thème de la folie que sont Hypnose et Fenêtre secrète.

C’est en délaissant cette piste cérébrale et en se consacrant à quelque chose d’essentiellement organique que Koepp réalise son meilleur film à ce jour. Certes, par bien des aspects Premium rush fait toujours figure de plaisir de scénariste. Il n’y a qu’à voir la construction alambiquée du récit, confectionnée avec brio – et qui est tout à fait la bienvenue, ses retours dans le temps doublés de changements de point de vue, nombreux et inattendus, garantissant l’absence d’essoufflement du film et d’ennui du spectateur. Ainsi ce plaisir est mis au service d’autre chose, d’un mouvement physique toujours prioritaire. Il s’en trouve canalisé, et son rendement explose avec une myriade de bonnes idées, de scènes et de rebondissements, faisant que Premium rush ne se retrouve jamais en panne. C’est un régal de cinéma de divertissement pétillant, remuant, avec une pincée de sensualité et un ton à l’avenant, enjoué, spontané, qui s’amuse des risques encourus et refuse de se prendre au sérieux. « That was the best fun I ever had with my clothes on » : cette réplique mise dans la bouche de la copine du héros, à la sortie d’un ahurissant numéro d’acrobaties en trois dimensions à vélo pour se sortir d’une fourrière, synthétise l’état d’esprit du film entier (battant d’une courte tête « Brakes are death »).

S’il n’y a pas que le scénario dans la vie de Premium rush, c’est qu’il y a aussi son casting, impeccable (Joseph Gordon-Levitt et Michael Shannon sont des choix parfaits pour des figures antagonistes de série B) ; et sa mise en scène, d’une efficacité à toute épreuve. Koepp ne roule pas des mécaniques, mais il maintient un tempo et une fluidité de tous les instants, en toutes circonstances, y compris au cœur des poursuites urbaines ou lorsque plusieurs enjeux se télescopent. Les trouvailles visuelles interactives sur lesquelles il met la main – l’incrustation des itinéraires façon Mapquest, la représentation des différentes solutions plus ou moins bonnes entre lesquelles le héros doit choisir dans la seconde face à un carrefour engorgé – sont la petite cerise sur le gâteau. A son image : rien de génial, mais réjouissant et dont on redemande volontiers une part.

[1] et oui, d’accord, Indiana Jones 4, personne n’est parfait

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