• Le Hobbit : un voyage inattendu, de Peter Jackson (USA – Nouvelle-Zélande, 2012)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles, ni en 3D ni en « HFR » (48 images / sec au lieu de 24) – quel rétrograde je fais

Quand ?

Mercredi, soir de la sortie, à 22h

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Le voilà enfin, ce Hobbit. Enfin, façon de parler : deux autres volets le complèteront, en décembre 2013 puis juin 2014. Il n’y a pas de raison qu’ils durent moins longtemps que celui-ci, ce qui nous amènera à une durée totale de huit ou neuf heures pour couvrir les… trois cents pages du livre de Tolkien. Ce doit être un record d’étirement à l’écran d’une adaptation littéraire, pratique pour laquelle on a généralement l’habitude de se plaindre d’un excès de concision et de sacrifices. Le Hobbit est pour sa part un soufflé qui n’arrête pas de gonfler, à des fins et selon des moyens malheureusement peu fondés. L’origine en est la décision prise par Peter Jackson, après le départ de Guillermo Del Toro, de recouvrer la fonction de réalisateur – il n’était initialement que producteur, comme sur le Tintin de Spielberg – plutôt que de laisser le projet en attente d’un nouveau nom. Sous la coupe solitaire de Jackson, Le Hobbit se retrouve consumé par deux mauvais génies : la pratique d’un pur cinéma de rente, et l’affirmation d’une obsession pathologique pour l’œuvre de Tolkien. Le premier point entrave fortement la possibilité d’apprécier pleinement le film, pour quiconque a vu et aimé Le Seigneur des Anneaux il y a maintenant dix ans de cela. La quasi-totalité de ce que Le Hobbit a à offrir tient du recyclage à l’identique d’éléments de son ancêtre, sous une forme rendue plus pastel et lustrée par les progrès du numérique. Cela concerne les lieux et les décors, les personnages et leurs fonctions, les mouvements de caméra et la musique… Les rares nouveautés sont noyées dans la masse, et l’on ne peut qu’espérer que leur quantité augmente dans les épisodes à venir. Car ce Voyage inattendu n’est justement que trop attendu, vidé du plaisir ou du frisson de la découverte. Ce qui est le comble pour un récit d’aventures.

L’autre dérangement, l’affection excessive de Jackson pour la Terre du Milieu, enfonce le clou. Le cinéaste ne résiste pas à la tentation de greffer au conte des aventures de Bilbo le Hobbit des figures majeures du Seigneur des Anneaux mais inutiles ici, ainsi que des protagonistes nouveaux et peu convaincants (l’Orque Azog). En plus d’alourdir le film, cela le contraint à un changement d’échelle malavisé. Jackson est tellement fixé sur son bonheur de refaire un Seigneur des Anneaux qu’il en omet les spécificités propres au Hobbit, travestissant de fait celui-ci. À l’opposé de l’œuvre solennelle et conquérante, aux enjeux colossaux, qu’est Le Seigneur des Anneaux, Le Hobbit narre l’aventure singulière d’une petite troupe devant sans cesse privilégier à l’affrontement la fuite, la ruse, le recours à la bonne volonté de soutiens extérieurs. Dans le rôle de Bilbo, Martin Freeman est seul à jouer sur cette note modeste et inquiète, au milieu du barnum orgueilleux et testostéroné orchestré par le réalisateur. Le décalage est patent entre cet étalage de muscles et la réalité narrative d’une progression où les dangers sont peu nombreux, et toujours vite défaits par des deus ex machina (super Gandalf à la rescousse). Le face-à-face entre Bilbo et Gollum, loin du bruit et de la fureur, échappe à ce modèle – et c’est sans hésitation la meilleure scène du film. Dans l’ensemble, Le Hobbit est cependant loin d’être mauvais. Il n’est ni honteux, ni déplaisant, et bien assez efficace pour que l’on ne s’y ennuie pas malgré ses 2h45. Jackson n’a pas perdu du jour au lendemain le savoir-faire qui l’élève parmi les meilleurs cinéastes de blockbusters de son temps. Un petit miracle vient même à son secours, transformant ses errements en raisons qui font de son film une adaptation au fond très fidèle. Le roman est lui-même une version light du Seigneur des Anneaux, pour préados ; avec son fac-similé pastel et son aventure sans noirceur ni grand risque, Jackson met en œuvre un programme équivalent.

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