• Le dernier pub avant la fin du monde, de Edgar Wright (Angleterre, 2013)

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Où ?

À l’Orient-Express, où le film passe encore une séance sur deux

Quand ?

Dimanche, à 15h

Avec qui ?

MaBinôme

Et alors ?

Après avoir cédé aux sirènes hollywoodiennes ensemble (leur participation au Tintin de Spielberg) ou séparément (Scott Pilgrim pour Edgar Wright, Paul pour Simon Pegg et Nick Frost), le trio anglais a pris le temps de rentrer au bercail pour offrir son dernier acte à leur « Cornetto Trilogy ». Le dernier pub avant la fin du monde, The world’s end en VO, est le Cornetto vert, pour les aliens, faisant suite au rouge du sang de Shaun of the dead et au bleu de la police de Hot fuzz. À cette connexion des plus ténues entre les trois films s’en joint une autre, plus consistante : chacun d’entre eux se saisit d’un genre de série B très calibré, et le manipule avec plus d’irrespect que de déférence pour l’emmener sur un terrain improbable et ingénieux. Je ne parle pas là du fait que quel que soit le conflit de départ, il se règle inévitablement en bagarre générale dans un pub façon village d’Astérix – même s’il s’agit d’une source jamais prise en défaut d’une part du plaisir distillé par ces longs-métrages. Mais de la belle aspiration du trio Wright-Pegg-Frost à faire toujours émerger, derrière le (très bon) divertissement de façade, un propos humain qui tient la route de sa fondation à son exécution. Right thoughts, right words, right action comme le chantent les Franz Ferdinand.

The world’s end conclut la série en beauté puisque des trois films, il est le plus ambitieux sur la ligne de départ et le plus saillant à l’arrivée. C’est une œuvre de têtes brûlées, qui décide de charger simultanément sur plusieurs fronts narratifs de poids. Une invasion d’extraterrestres façon Body snatchers 2.0 ; un portrait sociologique des classes populaires anglaises imbibées de bière et de bêtise, au tempérament exposé en ouverture par le morceau culte de Primal Scream, Loaded, et en conclusion par la proclamation « it is a basic human right to be fuck-ups » ; et au milieu, faisant le grand écart entre les deux, une réflexion sur le fait de vieillir et de voir, en même temps que les années passent, le monde vous filer entre les doigts. À dix-sept ans, on pense en être le roi ; à quarante, on ne comprend plus franchement comment il fonctionne. Ce dernier aspect du film est aussi juste et touchant que le deuxième (la biture loaded) est décomplexé et burlesque, et le premier (les aliens) explosif et invraisemblable. The world’s end combine ainsi aventure extraordinaire, rire luxuriant – presque toute la gamme de l’humour au cinéma y passe – et émotion sincère. L’équilibre de cet attelage particulièrement chargé est assuré par la même tactique que lors d’un sprint à vélo : en maintenant un mouvement ininterrompu qui vous fait foncer droit devant, à pleine énergie et surtout sans se relever pour réfléchir.

Ce mélange instable de nostalgie, de farce et de spectaculaire – même si ce troisième tiers du gâteau est un poil en-deçà des deux autres – conduit à un final démentiel. Loin de se dégonfler Wright, Pegg et Frost poussent la logique kamikaze de leur récit jusqu’à son éclatement inévitable. La poursuite de trois enjeux aussi disparates que ceux qui composent The world’s end ne peut être couronnée par une résolution contrôlée, qui règlerait tout de manière harmonieuse. À force de tirer dans des sens différents c’est une rupture qui a lieu, un big bang – the world’s end, littéralement. Sans en révéler plus, voir cet épilogue parvenir à concilier l’audace de son programme et une cohérence affirmée avec les événements qui l’ont précédé (en particulier dans le destin du personnage joué par Pegg, le loser imbuvable et marginal Gary King) force l’admiration, et forme la meilleure des façons de conclure la trilogie. Pour conclure à mon tour, un mot s’impose sur le casting, dont la richesse rappelle à quel point The world’s end est un film grand public. Les seconds rôles ont pour noms Pierce Brosnan, Rosamund Pike, Martin Freeman, etc., et tous se prêtent avec joie aux horreurs déjantées et outrancières que les auteurs ont concoctées pour eux. Imaginer un équivalent français relève pour le coup de la science-fiction la plus folle – le douloureux échec au box-office d’Atomik circus il y a quelques années est là pour nous le rappeler.

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