• Hobo with a shotgun, de Jason Eisener (USA, 2011)

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Où ?

A la maison, en DVD zone 2 (le film sort en France directement de cette manière le 5 octobre)

Quand ?

Samedi soir

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

À l’origine, Hobo with a shotgun est une fausse bande-annonce conçue par une bande de potes pour participer à un concours dans le cadre du projet Grindhouse de Quentin Tarantino et Robert Rodriguez. La bande-annonce a beaucoup plu, elle a été retenue pour être montrée entre Boulevard de la mort et Planète terreur, elle a de nouveau beaucoup plu, et les compères du départ se sont vus confier un budget pour transformer la blague courte en histoire longue. La genèse est donc similaire à celle de Machete, mais le résultat est cent fois meilleur. Rodriguez et son Machete n’en ont que pour leur ego engraissé sur le dos du genre bis, dont les excès irréfléchis et le premier degré naïf forment un sujet de dérision si facile que baser son film entièrement là-dessus n’est ni intéressant ni intelligent. Jason Eisener et son coscénariste John Davies, eux, travaillent au contraire pour le genre, sa perpétuation éclatante et sa réinvention permanente. Comme il se doit pour un film bis, leur Hobo with a shotgun est saturé en influences disparates qui viennent apporter de la chair à un scénario squelettique, presque entièrement résumable à son titre (avec hobo = clochard en français) et son accroche (« He delivers justice – one shell at a time »).

Une maille à l’endroit, une maille à l’envers, le patchwork de Hobo with a shotgun fait se côtoyer : le motif de Pour une poignée de dollars du justicier sans nom venant nettoyer une ville sous la coupe d’une bande de malfrats barbares ; la figure de Rutger Hauer, icône des séries B cruelles des années 80 (Hitcher) ; une esthétique criarde et du meilleur mauvais goût elle aussi typiquement eighties ; et un déballage de gore totalement insensé, qui ravive l’esprit démentiel des gialli italiens des Dario Argento, Mario Bava et consorts. La grande réussite du film d’Eisener est qu’il parvient à faire fonctionner tout cela ensemble. Je n’irais pas jusqu’à dire « harmonieusement », car Hobo with a shotgun carbure au contraire à la dissonance, la dislocation, la folie furieuse. La mèche est allumée dès la première scène – une exécution sadique et enragée en public – et sur son chemin vers l’explosion finale toutes les séquences crament dans un grand feu de joie fait de hurlements, de brutalités atroces et de gerbes de sang jaillissant d’à peu près toutes les parties du corps humain. Le socle du film est cette ressuscitation du gore pour le gore, absolument décomplexé, qui fait un bien fou. Tête écrabouillée entre deux voitures, pied broyé à coup de maillet, patin à glace planté dans le torse, main et avant-bras déchiquetés par une tondeuse à gazon[1] : Eisener et Davies ne se refusent rien, et certainement pas les gros plans qui assurent que tous ces supplices s’impriment comme il faut sur la rétine.

Autour de ce cœur sanguinolent du film, scénario et mise en scène se tirent la bourre pour être l’élément rendant le film le plus jouissif possible. On est tenté de les déclarer vainqueurs ex-æquo. Alors qu’il démarre très fort en termes de situations violentes, le script parvient à se maintenir de bout en bout sur une pente ascendante, chaque scène venant surenchérir sur les exactions et les carnages de la précédente. Il n’hésite pas pour cela à se projeter tout entier dans le grand-guignol pour son dernier acte, rendu carrément inouï par l’apparition du duo de machines à tuer « The Plague » (« Le Fléau ») et de leur univers ni expliqué ni homogène avec le reste du film – coup de poker, coup de génie. Côté réalisation, Eisener n’a pas plus d’états d’âme ou d’arrière-pensées à tout miser sur l’outrance, dans un geste qui rappelle le De Palma délirant des années 70. Utilisation quasi exclusive de couleurs primaires, plans désaxés, focales extrêmes, montage le plus cut possible (mais toujours lisible), tout est bon pour faire de chaque plan une claque. Claques de mise en scène, insanités de scénario, effusions de gore : Hobo with a shotgun ne manque pas de munitions pour redorer le blason du cinéma bis bête et méchant, « une cartouche à la fois ».

Le DVD n’est pas à la hauteur du film, malgré l’abondance de suppléments qui fait illusion au dos de la boîte. Ceux-ci sont tous trop brouillons et manquent de recul, seule la fin alternative sort du lot – il est d’ailleurs réellement dommage qu’elle n’ait pas été conservée dans le montage final du film, au moins comme scène supplémentaire de fin de générique.

[1] liste non exhaustive

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