• C’est la fin, de Seth Rogen & Evan Goldberg (USA, 2013)

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Où ?

Au MK2 Bibliothèque

Quand ?

Mardi soir à 22h, en sortant de l’avant-première de Gravity

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Un temps protégés de Judd Apatow qui leur a donné leur chance à Hollywood (Supergrave, Délire express), puis assez rapidement émancipés (The green hornet), les auteurs comiques Seth Rogen (également acteur mais là je ne vous apprends rien) et Evan Goldberg passent pour la première fois à la réalisation – et n’ont pu s’empêcher de nommer ce coup d’essai C’est la fin. Le succès du film au box-office américain (120 millions de dollars de recettes, quatre fois son budget) devrait leur donner quantité d’opportunités pour recommencer, quand bien même leurs capacités de metteurs en scène restent entièrement à démontrer. C’est la fin est en effet filmé avec les pieds, chaussés de gros sabots chaque fois qu’il s’essaye au flirt avec le cinéma de genre. Le pitch apocalyptique du film invite à jouer avec tous ces motifs, des démons aux zombies, de la catastrophe naturelle à la survie en huis clos anxiogène, mais la mise en scène de Rogen et Goldberg ne semble réellement à l’aise que lorsqu’elle transforme la maison remplie des célébrités rescapées en lieu de télé-réalité, avec ses codes et ses enjeux. Soit lorsqu’elle fait de la télévision, et non du cinéma.

Pour tout dire, C’est la fin n’est pas beaucoup mieux écrit. Là aussi le duo Rogen-Goldberg ne fait pas du cinéma, leur narration n’est pas pensée de manière globale, sur le film dans son ensemble, mais par blocs quasiment autonomes voire qui s’ignorent ; une succession de sketchs, d’idées jetées au front et que l’on épuise avant de lancer la salve suivante. Le film devient un parcours de montagnes russes malgré lui, alternant ratés ou négligences dans lesquels il s’embourbe, et véritables éclairs de génie. Les entrées et sorties de scène du phénomène Danny McBride (qui vole le film à chaque occasion qui se présente), la réalisation par les personnages d’une suite suédée à Délire express appartiennent à la seconde catégorie. Ces coups d’éclat ne parviendraient néanmoins pas à sauver à eux seuls C’est la fin de la médiocrité – l’état de démence du film est fondamentalement ce qui en assure la persistance, via sa mutation en une aberration difforme. C’est la fin repose sur une folle mise en abyme dont la règle est que les acteurs jouent soi-disant leur propre rôle tout en se montrant radicalement antipathiques.

À mille lieues de leur image sympa, voilà qu’il n’y en a pas un pour rattraper l’autre en matière de mise en pratique des sept péchés capitaux. Le film ne résoudra jamais cette contradiction entre adhésion et rejet, préférant foncer tête baissée dans l’autodestruction et l’autodénigrement, de point de rupture en point de rupture ; de la fête inaugurale, géante et incommodante, au dernier tiers du récit, qui trouve hors de la maison de quoi aller encore plus loin dans l’outrage tous azimuts – on y voit Danny McBride faire de Channing Tatum son esclave sexuel et manger cru James Franco. C’est un spoiler mais c’est surtout la démonstration du caractère absolument limite et sans filet du film. C’est la fin se saborde à tout bout de champ, par sa palette de couleurs d’une laideur anti-hollywoodienne et surtout par son narcissisme ambigu à souhait. Le groupe de stars millionnaires se rengorge de ses succès passés mais méprise l’idée d’y donner suite (en plus de Délire express, Supergrave a lui aussi droit à son coup de canif), et s’ils ne s’aiment pas ils aiment encore moins les autres, tous ces misérables anonymes faisant ici de la figuration et dont chaque irruption est source d’effroi.

À ce niveau de dysfonctionnement, C’est la fin devient tellement déroutant que je n’arrive pas à déterminer s’il est l’œuvre de saboteurs brillants, ou de sombres crétins ; s’il s’agit d’une performance éminemment subversive ou bien d’une démonstration de beaufitude décomplexée. Deux exemples : le film se moque-t-il avec bassesse des gays, ou assume-t-il enfin explicitement l’homosexualité latente dans tous les travaux de cette bande d’acteurs ? Et les Backstreet Boys à la fin, est-ce à prendre au premier ou au vingt-cinquième degré ? La confusion reste entière, ce qui est une très bonne chose pour cette fois et pour ce concept de long-métrage, mais constitue une formule difficilement reproductible par la suite…

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