• Brüno, de Larry Charles (USA, 2009)

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Quand ?

Samedi en début d’après-midi, il y a un mois

Avec qui ?

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Et alors ?

Sacha Baron Cohen, alias Ali G, alias Borat, alias Brüno, est un kamikaze comique comme il y en a trop peu pour pouvoir se permettre de souhaiter son musellement, quels que puissent être les dérapages ou excès qu’il commet dans le cadre de ses performances. Ceux-ci vont de pair avec le personnage et les ravages hilarants qu’il cause ; car quand on arrose comme lui dans toutes les directions et sans la moindre modération, ça déborde inévitablement par endroits. Le dernier avatar en date de Cohen dans son expédition anti-tous et pro-lui-même se prénomme donc Brüno, avec un umlaut car (?) il est autrichien, en plus d’être gay et hipster. Autant de caractéristiques dont Brüno est la caricature plus que l’exemple – la connaissance de l’Autriche que lui confère Cohen se limite aux inévitables Adolf Hitler et Arnold Schwarzenegger, la vacuité et la petitesse de sa célébrité (vaguement journaliste de mode, vaguement vedette du petit écran, définitivement crétin) égalent celles de Derek Zoolander. Quant à son homosexualité, elle atteint un degré de décadence, d’exubérance et d’obscénité à faire passer La cage aux folles pour un spot d’une association LGBT visant à démontrer que les gays sont des gens comme les autres. Les scènes de sexe, en particulier, sont tellement exagérées qu’elles ont valu au film une interdiction aux moins de 16 ans. Mais elles en sont aussi d’autant plus drôles… et choquantes pour le public homophobe « traditionnel », qui est sévèrement expulsé hors de sa zone de confort à grands coups de pied (ou autre chose) aux fesses.

Brüno est de ce point de vue une déclinaison sur 80 minutes, mal élevée et décapante, de la boutade du respectable Harvey Milk dans le film éponyme : « [we can’t reproduce] but God knows we keep trying ». Cohen agite la sexualité fièrement assumée (ou incontrôlable de luxure, c’est au choix) de son personnage sous le nez d’une succession d’américains moyens et inconscients d’être pris au piège d’un mockumentary, selon la technique et la trame narrative déjà éprouvées dans Borat. Le résultat est la plupart du temps à la hauteur des attentes comiques, et cruelles – le rire venant la plupart du temps de la preuve par l’exemple que les interlocuteurs de Brüno sont encore plus méprisables que lui, quand bien même la barre est haute. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, Brüno se révèle plus efficace et plaisant que son prédécesseur, car la multiplicité des facettes de son héros élargit l’horizon des gags potentiels. Là où Borat était foncièrement unidimensionnel, Brüno peut être gay tendance folle pour faire rire aux dépends des rednecks et autres prêtres s’autoproclamant capable de « guérir » des homosexuels ; gay tendance amoureux pour apporter une dimension burlesque supplémentaire au duo qu’il forme avec son assistant Lutz (et qui à cette différence près, est similaire au tandem Borat-Azamat) ; et individu sans talent rêvant de devenir une star hollywoodienne pour déclencher une satire au bazooka de ce microcosme rempli de gens à l’ego surdimensionné et à l’utilité dans le monde mal établie. Voir Brüno, ses mexicains-chaises de salon, son blanchiment anal, son bébé africain adopté et son casting d’autres bébés pour une reconstitution en photo de la crucifixion, peu de temps après Somewhere renvoie sèchement ce dernier à l’anémie de sa pseudo-critique du star-system. [Même si la comparaison a bien évidemment les limites que permet l’opposition entre l’outrage et l’introspection].

Cohen échappe à la redite par rapport à Borat grâce à son propre ego, qui le pousse à en faire toujours plus : personnage encore plus borderline dans sa déformation, attaques contre des cibles plus ambitieuses – Hollywood en plus des bouseux, mais aussi reste du monde en plus des USA. Et pas n’importe quelle partie du monde, puisque l’auteur-interprète a eu l’idée aussi délirante que géniale de faire partir Brüno au Moyen-Orient pour y accomplir son destin d’« ange de la paix ». La prise de risque d’une telle confrontation, entre une figure comique totalement irréelle et une situation dramatique concrète, force le respect et ce qui en ressort est étonnamment drôle. Mais Cohen n’en est déjà plus là, puisqu’il profite de cette séquence pour passer à une sorte de « mock-mockumentary » (nom définitif à travailler), en piégeant ses interlocuteurs non plus seulement a priori – en se faisant passer pour ce qu’il n’est pas – mais aussi a posteriori, en les faisant passer eux pour ce qu’ils ne sont pas. Cela dépasse les bornes ? Évidemment. Encore heureux, même.

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