• Milk, de Gus Van Sant (USA, 2008)

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Où ?
A l’AMC East Illinois à Chicago, pendant le temps que nous avions dans cette superbe ville entre le bus qui nous amenait de Madison et le train en direction de New York

Quand ?
Mardi soir

Avec qui ?
Ma femme

Et alors ?



Milk
marque le retour de Gus Van Sant dans le circuit
hollywoodien – jusqu’à lui offrir des nominations aux Oscars dans les catégories meilleur film et meilleur réalisateur (entre autres). La séquence très homogène de quatre films expérimentaux et
torturés, Gerry, Elephant, Last days et Paranoid Park, qui a précédé Milk ne doit pas pas faire oublier que le cinéaste est un habitué de ces
allées et venues, et qu’il avait par exemple déjà obtenu une telle reconnaissance de l’industrie pour Will Hunting. Le nouveau film de Gus Van Sant, qui applique la forme
hautement consensuelle du biopic à une figure emblématique de la lutte des homosexuels pour leurs droits, peut d’ailleurs être considéré comme le croisement de ce Will Hunting (ou
plutôt de A la rencontre de Forrester, plus réussi à mon goût) et de ses premières oeuvres qui embrassaient ouvertement la cause et le mal-être gay, de Mala noche
à My own private Idaho.

La figure emblématique en question est Harvey Milk, membre du conseil municipal de San Francisco assassiné pendant son mandat en 1978, en même temps que le maire de la ville. A travers cet homme
et son activisme, c’est tout un quartier (Castro, le centre du monde gay), une communauté et une décennie de combat que Gus Van Sant souhaite embrasser. Il y parvient, pendant un temps. La
proximité évidente qu’il entretient avec son thème se projette à l’écran par le biais de l’interprétation pleine d’évidence qu’il obtient de l’ensemble du casting (Sean Penn en tête dans le
rôle-titre, mais on retiendra tout autant les performances de James Franco et Emile Hirsch), ainsi que par l’alliage astucieux opéré entre scènes recrées et images d’archives. Celles-ci, tirées
de films Super 8 personnels ou de reportages TV, offrent à Milk un échappatoire face au piège des clichés de la représentation des années 70. Le film se voit tiré vers le
documentaire, et il y souffle un vent de liberté et de refus des règles – Gus Van Sant va jusqu’à insérer un extrait d’interview du véritable Harvey Milk – qui colle finalement on ne peut mieux
au sujet.

Sur ces bases d’une grande spontanéité, Milk nous empoigne et nous émeut. Tour à tour on déborde d’euphorie et on tremble de colère devant l’évocation franche et en temps réel des
victoires et des défaites au fil de la lutte pour l’égalité des droits civiques, dans des grandes scènes d’élans populaires auxquelles il est difficile de résister lorsqu’elles sont mises en
scène avec une telle énergie. Lucide, Gus Van Sant n’élude toutefois pas l’ambivalence grandissante de son héros dès lors qu’il quitte les premiers rangs des manifestations pacifiques pour
endosser le costume de l’homme politique. Milk porte un éclairage d’une grande perspicacité sur la manière dont grands élans progressistes, pactes et concessions stratégiques
d’arrière-cour et endossement par une personne d’une image publique lisse au détriment de son caractère réel sont inextricablement liés. En ces temps de starification et messianisation à outrance
de Barack Obama (particulièrement en Europe), la piqûre de rappel ne peut pas faire de mal.

Malheureusement, l’élan de Gus Van Sant de faire de Milk un héros positif mais réaliste est coupé par l’obligation de revenir se conformer aux codes du biopic pour le dernier acte – la mort de
Milk et l’épilogue. L’aspect « moissonneuse-batteuse » du genre (les personnages secondaires, aussi intéressants qu’ils puissent être, sont concassés jusqu’à un rôle purement utilitaire) rappelle
alors à notre bon souvenir tout son potentiel de nuisance. Il en est de même de cet insupportable besoin de clôture nette – l’assassinat – et du passage obligé qu’est le survol par cartons et
photos d’archives du destin-des-protagonistes-qui-ont-survécu-et-fait-de-grandes-choses. Le réel reproche que l’on peut alors faire à Gus Van Sant est d’en faire des tonnes, dans la conduite du
récit cousue de fil blanc et dans la bande-son noyée sous des nappes de cordes larmoyantes. Milk pâtit de cette grosse fausse note finale qui risque de faire oublier le bel
ouvrage d’intérêt général et civique élaboré jusque là.

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