• Abraham Lincoln : chasseur de vampires, de Timur Bekmambetov (USA, 2012)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles

Quand ?

Mardi, à 18h30

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

On a peut-être trouvé un candidat pour succéder au défunt Tony Scott dans la position (pas forcément enviable) du réalisateur de films d’action n’étant pas reconnu à la juste valeur de son talent et de son culot. Le russe Timur Bekmambetov, enrôlé par Hollywood après le succès de ses films de vampires sauvages et locaux Night watch et Day watch, avait alors validé sa période d’essai de fort belle manière, signant avec Wanted un blockbuster aussi réussi esthétiquement que récréatif. Le film fut largement rentable, mais ne valut à Bekmanbetov pratiquement aucun crédit artistique. Pour sa deuxième commande hollywoodienne, le réalisateur est rappelé à ses premières amours, ainsi que le titre Abraham Lincoln : chasseur de vampires l’indique. L’idée de ce mélange baroque ne vient pas de lui mais du romancier Seth Grahame-Smith, qui a commis avec le détournement du plus révéré des présidents américains son deuxième affront littéraire à la bienséance coincée, après le génial Pride and Prejudice and Zombies, qui est exactement ce qu’il annonce.

De la même manière que ce précédent roman suivait quasiment à la virgule près l’action du classique de Jane Austen, Lincoln : chasseur de vampires n’est pas un simple feu de paille allumé par un petit malin ne sachant qu’en faire ensuite. Toute la biographie de Lincoln est revisitée à la lueur de cet élément nouveau, cette existence nocturne de tueur de vampires menée en parallèle de la vie diurne et documentée jusque dans ses moindres détails. Toute, vraiment ; de la mort de sa mère alors qu’il était jeune (non pas des suites d’une maladie mais d’une morsure de vampire), aux tenants et aboutissants de la Guerre de Sécession – où des régiments de vampires sont conviés à la bataille de Gettysburg, dans les rangs des Confédérés. Avant d’en arriver là, une heure durant c’est à un festin de série B presque sans faute que Bekmanbetov nous convie. Démontrant le même entrain que pour Wanted, il enchaîne les scènes avec une agilité et une virtuosité qui permettent au récit de s’écouler comme une délectable gorgée de soda bien frais. Expositions concises et efficaces, poussées d’adrénaline saisissantes voire surprenantes (chose de plus en plus rare dans le cinéma de divertissement moderne), et transitions laissées aux bons soins de ces fulgurances dont Bekmanbetov a le secret – en partie pour son don en la matière et en partie pour son grain de folie qui fait de lui le seul ou presque à oser aujourd’hui commettre des effets de jointure irréalistes et outrés.

Le film doit aussi beaucoup à son casting très équilibré et cosmopolite, où l’on retrouve entre autres, autour du nouveau venu Benjamin Walker, le trop rare Rufus Sewell (Dark city) et la trop belle Mary Elizabeth Winstead (Boulevard de la mort, Scott Pilgrim). Mais Bekmanbetov reste son atout clé, et il le rappelle à chaque séquence de combat ou de poursuite par son sens du plan qui claque, du montage qui emporte, de l’enthousiasme qui prend de court toutes les critiques bassement terre-à-terre imaginables. Le climax superbe, dément et prolongé, à bord d’un train lancé à toute allure où tout explose, le décor, les coups, les couleurs, vient opportunément et avantageusement le rappeler, alors que Lincoln : chasseur de vampires s’enlisait depuis un certain temps, coulé par deux forces distinctes. D’une part, le respect de l’ellipse contenue dans le livre qui amène Lincoln de la trentaine à la cinquantaine. En une coupe, on se retrouve à l’écran avec un héros et tout un casting soudain vieillis et grimés, alors qu’on les aimait très bien tels qu’ils étaient, jeunes et fringants.

D’autre part, et bien plus grave, une réécriture de l’histoire d’une autre sorte que celle, ludique, du roman. Le film perd là de sa pureté et révèle d’autres intentions moins correctes, en trichant avec une réalité que le livre respectait scrupuleusement : le fait que Lincoln ne tourna abolitionniste que tardivement, endossant cette cause pendant la Guerre de Sécession et non depuis toujours comme les USA aiment à se le faire croire. Une légende bien commode que Lincoln : chasseur de vampires contribue donc à propager sur les écrans, s’inscrivant ainsi dans la même veine réac que tous les blockbusters hollywoodiens actuels ou presque. C’est agaçant, mais au moins dans le cas présent on s’amuse beaucoup au passage.

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