• Viva Riva !, de Djo Munga (Congo, 2010)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles

Quand ?

Vendredi soir, à 22h30

Avec qui ?

MaBinôme

Et alors ?

Viva Riva ! ne peut être jugé justement si l’on n’a pas en tête certaines informations concernant le contexte dans lequel il a été réalisé. Ce film est la première fiction congolaise depuis… 1985, ce qui donne une idée nette de la morbidité de l’industrie cinématographique du pays (semblable en cela à beaucoup de ses condisciples africains). Les velléités de retour à Kinshasa du réalisateur Djo Munga pour son premier long-métrage de fiction, après des études et une carrière dans le documentaire en Europe, oscillent dès lors entre l’inconscience et le mérite de s’engager dans une telle mission. Dans sa physionomie, le résultat de son travail ne peut espérer s’arracher aux carences de cet environnement dans lequel il se plonge ; il est condamné à s’en faire le reflet, en termes de moyens techniques et de talents artistiques. Il y a en permanence ou presque dans Viva Riva ! quelque chose qui clame le dénuement du film, son interprétation inégale, ses plans tournés à l’arraché, son montage fortement contraint par la matière disponible.

Munga ne peut pas grand-chose contre cette indigence là. Il s’y plie car il lui tient à cœur de faire usage de son rôle d’artiste pour dénoncer une autre forme de décrépitude, plus grave. Celle qui ronge la société congolaise dans son ensemble et dans ses fondamentaux, et la réduit à un état sans loi ni morale, où seuls prévalent la fascination obsessionnelle pour l’argent et l’accomplissement de pulsions primitives – baiser, tuer, s’oublier dans l’alcool ou la drogue. A la fois ses victimes et ses prolongateurs, tous les protagonistes de Viva Riva ! sont les produits de cet enfer, le héros éponyme Riva au premier chef. Celui-ci est un truand de seconde division qui se retrouve à jouer parmi les grands, quand il dérobe un plein camion d’essence à son patron et l’amène à Kinshasa où il compte en tirer un profit maximum à l’occasion d’une pénurie de carburant ; et quand, à peine arrivé, il se met à flirter avec la concubine d’un chef mafieux local. Riva fuit donc pendant 90 minutes les colères de l’un et l’autre gros bonnet, qui se cristallisent en une succession de confrontations violentes outrancières, voire grotesques. Il est regrettable d’observer, comme cela s’est produit lors de la séance à laquelle je suis allé, que cette orientation brouille la compréhension de Viva Riva ! chez une frange conséquente du public, incapable de concevoir qu’un film puisse être composite, mouvant ; dans le cas présent, tragique bien qu’excessif et bouffon aux entournures. Une caractéristique qui, pour certains, semble obligatoirement faire d’une œuvre un successeur de l’insouciance de Pulp fiction ou du cynisme des Coen. Et pousse ces spectateurs à rire à tort et à travers quelque soit le contenu de la séquence, car ils sont venus dans l’idée d’assister à un divertissement et que rien ne les fera dévier de cette idée, pas même le film lui-même.

L’excès et l’hyperbole constituent pourtant un chemin vers la tragédie tout aussi valable que celui, « officiel », de l’aridité et de la contrition. Il est possiblement plus fin, et assurément plus adapté à l’essence de Kinshasa telle que Munga la capture à l’écran. La ville comme ses habitants brûlent leurs ressources dans l’instant, comme s’il ne devait pas y avoir de lendemain – attitude qui tourne à la prophétie autoréalisatrice puisqu’elle empêche l’émergence de tout projet à long terme. Il en résulte un feu de joie à l’énergie (physique, brutale, sexuelle) intense et absolument pas canalisée, que Munga observe sans filtre. La douleur sourde qui émane de la blessure morale provoquée grandit inlassablement au fil du récit, jusqu’à devenir déchirante dans les dernières scènes en même temps que la quantité de cadavres croît de manière exponentielle. Mais il y en a visiblement pour y rester aveugles, distraits qu’ils sont par les flamboiements de l’incendie dévastateur.

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