• Vertiges, de Bui Thac Chuyen (Vietnam, 2009)

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Où ?

A l’Espace Saint-Michel

Quand ?

Mardi soir, à 22h

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Vertiges est un bon film « du monde », dans l’importante sous-catégorie « passions intimes et troubles des sens » (l’autre catégorie majeure étant « dénonciations sociales et politiques »). Cette absence de surprise thématique atténue fortement l’intérêt exotique potentiel du film, qui nous vient du Vietnam, pays dont le cinéma est extrêmement discret puisqu’étouffé par la dictature au pouvoir. Ainsi, en dehors de quelques détails cosmétiques (un plan sur une marée de scooters au début, un autre d’une inondation monstre à la fin, et entre les deux la décision opportuniste de situer une escapade adultère dans le paysage de carte postale de la baie d’Along), Vertiges est d’un aspect peu différenciable de tous ses cousins de la grande région qu’est l’Asie du sud-est.

Soit un couple de jeunes mariés, on ne peut plus vierges puisqu’ils le sont même dans leurs pensées. Elle, Duyen, l’est cependant un tout petit peu moins que lui (Hai), comme le font comprendre leurs états respectifs le soir de leur noce, instant choisi par le réalisateur Bui Thac Chuyen pour débuter son récit. Elle attend dans la chambre, sa robe défaite et seulement maintenue sur sa poitrine par ses mains. Lui boit verre après verre entouré de ses amis qui l’encouragent, et cuvera cet alcool jusqu’au lendemain matin. La meilleure initiative de Vertiges vient juste après cette scène inaugurale. Elle consiste à repousser à plus tard le traitement de ce mince fil narratif, et à prendre auparavant le temps de flâner dans le moment présent. Chuyen délaisse ses personnages principaux pour nous introduire auprès de leurs proches – famille, voisins, amis – puis à des relations de ceux-ci. Le mouvement de propagation d’onde ne va pas plus loin ; c’est une bonne chose, car ainsi il ne voit pas sa capacité à surprendre et à enivrer (la première demi-heure nous fait avancer à l’aveugle, une sensation très plaisante) se faner. Cette façon de faire a pour seul but d’élargir le cadre du film, et la zone d’influence de ce qui l’irrigue de manière invisible – le désir sexuel, charnel. Tous les protagonistes sont définis par rapport à celui-ci, qu’ils l’embrassent ouvertement, en le taisant, ou qu’ils lui tournent le dos. Ce que Vertiges met en place est donc rien de moins qu’une grille de lecture applicable à l’ensemble de son monde en miniature. Un geste ambitieux et passionnant, qui se traduit en de beaux moments de mise en scène sensuelle (grâce à la photographie, au cadrage, à la langueur des plans) – la montée d’un escalier, la présence d’un corps allongé sur un lit, une balade sur la plage.

Après cette dilatation, Vertiges entre en contraction. Il se recentre sur Duyen et Hai, et leurs destins qui s’écartent sur la base de leur différence de personnalité exposée en introduction. Elle fait l’expérience de points cardinaux de l’existence (telles que le sexe, la mort, le mensonge), lui reste obstinément dans sa bulle adolescente, à l’écart de tout cela. Ces parcours parallèles ne sont pas mal traités, y compris dans leur symbolisme visuel (Duyen va de décor en décor, Hai est toujours soit entre les murs de maison soit dans le cocon de son taxi) et dans leur respect du caractère – très innocent vis-à-vis des choses de la vie, je l’ai dit – des héros. Mais ils restent somme toute limités, et souffrent d’un manque de souffle que l’on ressent surtout dans certains moments de flottement d’intrigue qui ne sont pas loin du surplace. Heureusement, un beau plan de fin tourné vers l’avenir commun de Duyen et Hai permet à Bui Thac Chuyen de conclure sur une bonne note.

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