• Une question de vie ou de mort, de Michael Powell & Emeric Pressburger (Angleterre, 1946)

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Où ?

À la maison, en DVD édité par Elephant Films (sorti le 18 novembre 2014) et obtenu via Cinetrafic dans le cadre de leur opération « DVDtrafic »

Quand ?

Pendant les vacances de Noël

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Comment prouver le grand amour ? Telle est l’interrogation de vie ou de mort qui donne son titre au film. La réponse donnée dans Une question de vie ou de mort n’est pas plus longue que la question : en faisant du grand cinéma. Oui, mais alors comment faire du grand cinéma ? 49è Parallèle, Colonel Blimp, Les chaussons rouges, Le narcisse noir : chaque film du duo des « Archers » (leur maison de production) Powell – Pressburger apporte son lot de réponses aussi flamboyantes qu’évidentes, et celui-ci ne fait pas exception. Par le foisonnement de la composition, l’intelligence du cadrage, le débordement de créativité qui les enrichit, chaque plan d’Une question de vie ou de mort est une splendeur, du tout début à la toute fin. L’ouverture du film touche ainsi à l’universel, sans attendre et sans avoir besoin de mise en place. Au contraire, c’est en élaguant au maximum pour ne garder que la « substantifique moelle » de cette séquence introductive que Powell et Pressburger la rendent si bouleversante. La Seconde Guerre Mondiale, un pilote anglais (Peter / David Niven) piégé dans un avion promis à un crash fatal, une opératrice radio américaine (June / Kim Hunter) qui recueille ses dernières paroles depuis le sol : la tragédie humaine est immédiatement à son comble. En filmant au plus près les deux personnages, en gros plan constant sur leurs visages, et en rejetant dans un geste similaire tous les développements superflus (par exemple le parcours qui les a amenés elle et lui jusqu’ici) dans un arrière-plan vague, les réalisateurs nous font vivre ce drame aussi intensément que June et Peter ; avec la même urgence, la même impossibilité de prendre du recul.

Puis arrive le premier tournant imprévu, parmi tous ceux que nous réserve un scénario fou dans le bon – le très bon – sens du terme. Peter n’est pas mort. On l’apprend en écoutant les conversations de ceux qui, au paradis, attendent son arrivée programmée : les soldats montés à bord du même avion que Peter, et surtout l’administration des lieux, très courroucée de ce grain de sable dans sa machine parfaitement huilée. On sait donc que Peter n’est pas mort, via ce qui est dit dans le scénario ; et pourtant Powell et Pressburger vont immédiatement jouer à instiller le doute en nous, par ce que montre la mise en scène. La manière dont leur cinéma embrasse du regard les deux séquences suivantes – le réveil de Peter sur la plage, le rendez-vous amoureux avec Jane sous les arbres en fleurs – rend celles-ci miraculeuses, inouïes ; de quoi nous les faire confondre avec le paradis. Arrivant dans le décor de la seconde scène, l’émissaire d’en haut chargé d’y ramener Peter ne dit pas autre chose : « How we crave for Technicolor up there ». La réplique acte la capacité du septième art à dépasser le septième ciel (ou, pour renverser un slogan publicitaire, à faire de la Terre le plus bel endroit du Ciel), comme le fait dans la foulée une analogie cristalline entre cinéma et paradis. Une camera obscura permet en effet au Docteur Reeves (Roger Livesey), qui va étudier le cas de Peter, d’observer l’intégralité de sa ville depuis un point de vue surplombant, semblable à celui que l’on associe au paradis.

La conviction inébranlable d’Une question de vie ou de mort est donc que le paradis est sur Terre, pour peu qu’on laisse à l’art – et plus généralement à l’esprit humain – le champ libre pour l’enrichir et l’entretenir. Un exemple, encore : la séquence jubilatoire à la caserne, où se télescopent gaiement dans une même grande pièce production de Shakespeare, partie d’échecs et tea time. Alors, lorsque la procédure du procès en appel de Peter (pour décider de son transfert contraint au paradis, ou de son maintien parmi les vivants au nom de son amour tout juste éclos pour Jane) puis le procès lui-même arrivent, le verdict est déjà une affaire entendue pour le spectateur. La mise en scène prend alors franchement les rênes du film, débordant de trouvailles magiques pour circuler à sa guise entre les deux univers. Images suspendues, accolements dans le même plan du monde d’ici et de celui d’en haut, démesure virtuose de la représentation des cieux (l’escalier qui y mène, l’amphithéâtre où se tient l’audience) : toutes ces idées continuent à nous émerveiller soixante-dix ans plus tard. Car entre tous, le cinéma est bien l’art le plus paradisiaque qui soit. Les suppléments du DVD ne sont malheureusement pas tout à fait au niveau – une interview trop superficielle du chef opérateur Jack Cardiff (dont il s’agissait là du premier film à ce poste, et en Technicolor qui plus est), une présentation exhaustive mais trop factuelle par Jean-Pierre Dionnet.

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