• Tyrannosaur, de Paddy Considine (Angleterre, 2011)

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Où ?

Au Club Marbeuf, en projection de presse (le film sort le 25 avril en salles)

Quand ?

Mercredi 29 février, à 10h30

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

En dehors du fait qu’ils ont tous les deux été conçus de l’autre côté du Channel et à peu près à la même période, Tyrannosaur n’a rien à voir avec Velociraptor !, le dernier album du groupe rock Kasabian. Il n’a pas non plus grand-chose à voir avec le gros du troupeau des dinosaures de l’espèce « sociologico-ultraviolentis-larmoyantis dramatosaurus », qui compte parmi les maîtres faisant la loi sur le territoire du cinéma britannique. La question de cette parenté est la crainte initiale que provoque ce premier long-métrage de l’acteur Paddy Considine (adapté de son court-métrage multi-primé Dog altogether). Son personnage principal Joseph, chômeur ivrogne, vivotant dans un quartier pauvre et déprimant, passant ses nerfs sur tout animal ou humain ayant le malheur de ne pas s’écraser en sa présence, semble l’y conduire tout droit ; surtout qu’il est interprété par Peter Mullan (référent national pour ce genre de films) et que Considine commence par nous infliger trois scènes à la chaîne l’enfonçant au plus loin de son trou spirituel et affectif.

La rencontre entre Joseph et Hannah (Olivia Colman) déroute Tyrannosaur de la voie balisée menant tout droit à ce funeste cul-de-sac. Car Hannah n’est pas un second rôle utilitaire, d’accompagnement du destin en forme de chemin de croix de Joseph, comme on le suppose et l’appréhende tout d’abord. L’équilibre inverse va se mettre en place au fil d’un récit manœuvré par Considine avec finesse, et l’intelligence d’avoir su sentir que la richesse de caractère et les zones d’ombre à explorer se situaient du côté de Hannah bien plus que chez le monolithique Joseph. Dans le regard des autres, Hannah est une catholique – trop – fervente et une femme au foyer huppée dont l’activité bénévole de tenir une boutique caritative de vêtements ne peut être autre chose qu’une manière de tromper l’ennui. Dans l’intimité, elle subit les humiliations et les coups que son mari lui inflige quotidiennement, jour et nuit. Considine fait aussi peu dans la dentelle dans la peinture du calvaire de Hannah que le tout-venant du drame social britannique. Mais il utilise à très bon escient la cohabitation qu’il instaure, au sein d’un même récit, entre deux figures de martyr sur qui la vie tape comme une sourde.

On assiste à une multiplication des combinaisons possibles entre le malheur et la rage rentrée de chacun, ce qui fait avancer le film selon un chemin sinueux et jamais complètement prévisible. La promiscuité avec une autre victime de poids pousse Joseph comme Hannah à réévaluer leur propre situation ainsi que leur attitude. Cela les tire parfois vers le haut, mais parfois seulement ; il arrive également que l’effet soit de les enfoncer plus profondément encore dans leurs troubles et leur détresse – le dénouement en est la manifestation la plus brutale. Dans un cas comme dans l’autre Tyrannosaur en sort grandi, toujours plus consistant, plus étouffant, plus troublant, car il ne joue pas sur la mise en concurrence des tragédies mais sur leur friction et leur métissage. Ce drame à deux voix trouve ainsi sa voie dans la fréquentation rapprochée d’êtres complexes et défaillants, comme nous le sommes tous. La mise en scène de Considine a la bonne idée de faire l’économie de la grandiloquence et du simplisme, avec pour récompense des personnages qui nous restent en mémoire longtemps après la film du film.

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