• Tirez la langue, mademoiselle, de Axelle Ropert (France, 2013)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles, dans une salle… vide (hormis moi et MaBinôme)

Quand ?

Mardi soir il y a une semaine, à 22h30

Avec qui ?

MaBinôme

Et alors ?

Tirez la langue, mademoiselle est un cas presque maladif de film introverti. L’obligation qu’il s’impose à lui-même, de se protéger des émotions et contacts trop violents causés par le monde extérieur, donne au premier abord l’impression d’avoir affaire à un long-métrage chichiteux, étouffé sous ses manières. La suite prouve qu’il n’en est rien, et que cette manière de s’afficher – ou plutôt de se dérober – est bien la conséquence d’une manière d’être, sans opportunisme mais d’une correction remarquable face à toutes les situations. Cette attitude, le film l’a en partage avec ses personnages. Tous érigent les digues qu’ils peuvent entre eux et un monde qui les a accablés de maux violents, et de souffrances dont il est impossible de se défaire mais qui sont néanmoins tues autant que possible. Le but est de ne pas se trouver défini uniquement par elles, dont les noms sont si grands (alcoolisme, mère célibataire, sclérose en plaques) qu’ils occultent tout le reste, tout ce qui constitue le vrai soi mutilé par ces agressions extérieures.

Axelle Ropert respecte pleinement cette attitude, cette discrétion digne dans la détresse. C’est seulement une fois que nous avons appris à les connaître qu’elle nous révèle les durs secrets de ses protagonistes ; ainsi ils restent maîtrisables par le film comme par ces derniers. La même délicatesse est à l’œuvre à tous les niveaux de Tirez la langue…, dans la chronique du quotidien des personnages au cœur du 13è arrondissement parisien comme dans la romance amère de leurs histoires d’amour non réciproques. Tout part peut-être de cette dalle des Olympiades, le centre névralgique du récit. Le lieu est froid, peu amène, et pourtant forme à sa manière un cocon protecteur. Il est piéton, pour commencer, et ses tours massives, ses restaurants asiatiques ouverts à toute heure, ses gymnases et autres salles communes relégués en sous-sol sont finalement autant d’abris à l’écart du monde ; de petites alvéoles dans un refuge pour écorchés aspirant à l’anonymat.

Mais même là, il reste encore une chose capable de s’infiltrer et de blesser n’importe qui : les sentiments. Tirez la langue… tisse un réseau fataliste de non-amours, où chacun en aime un autre qui ne le lui retourne pas la pareille. C’est vrai pour le trio central, composé de Judith (Louise Bourgoin) et de ses deux prétendants frères docteurs Boris (Cédric Kahn) et Dimitri (Laurent Stocker), comme pour tous ceux qui gravitent dans leur entourage. Plus que sur ses effets destructeurs, Ropert concentre son regard sur l’expression si simple de cette inadéquation – « Je vous aime », « Mais moi je ne vous aime pas », et voilà, c’est tout. La finesse, toujours. C’est triste, mais surtout beau, compréhensif, et d’une remarquable justesse. Il est tout à fait regrettable qu’un happy end greffé telle une verrue vienne gâcher cet ensemble harmonieux, en nous imposant quelques minutes durant tous les clichés et balivernes (promesse d’un amour éternel, bonheur aveugle aux peines d’autrui) que le film met en échec le reste du temps.

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