• Les noces rebelles, de Sam Mendes, (USA, 2008)

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Où ?

Au MK2 Quai de Seine, dans la grande salle

Quand ?

Mercredi soir, à 22h

Avec qui ?

Ma femme, et une salle qui s’est remplie au dernier moment

Et alors ?

Un peu comme Bryan Singer (dont le Walkyrie avec Tom Cruise, qui sort la semaine prochaine, est lui aussi attendu au tournant), Sam Mendes vit depuis ses débuts comme
réalisateur sur une réputation dont il est difficile de dire si elle est justifiée ou non. Les deux hommes restent en effet reconnus pour leurs premiers films respectifs, largement supérieurs à
ce qu’ils ont pu faire par la suite et qui, comme par hasard (?), doivent énormément à la qualité de leur scénario écrit par quelqu’un d’autre : American beauty (Alan Ball)
pour Mendes, Usual suspects (Christopher McQuarrie) pour Singer.

Bryan Singer passera donc à la barre d’ici une dizaine de jours ; pour Sam Mendes, par contre, la sentence – cruelle – est d’ors et déjà rendue à la vision de ces Noces
rebelles
. Aussi soignés formellement et prometteurs dans leur thème qu’ils puissent être, les longs-métrages de Mendes (après American beauty suivirent Les
sentiers de la perdition
et Jarhead)
butaient toujours in fine sur le refus de celui-ci de prendre position, de s’engager « pour » ou « contre » – l’objet de l’engagement étant presque accessoire, l’important
étant l’acte en lui-même. Mais ces mêmes longs-métrages étaient malgré tout rachetés, excusés par leur appartenance à un genre calibré (Les sentiers…), leur couche d’ironie
protectrice (American beauty), voire les deux à la fois pour Jarhead.


Avec Les noces rebelles, Mendes s’affranchit de ces défenses. Le film sera un grand drame classique, intimiste et sincère, ou il ne sera pas. Pendant un temps, cette orientation
fonctionne. Nous sommes immédiatement projetés au cœur du drame, avec une intense scène de dispute conjugale qui nous prend à la gorge avant même le générique, et joue avec adresse du contraste
entre la violence des amertumes manifestées et le capital glamour et romantisme du couple mythique de Titanic DiCaprio – Winslet. Au sein du ménage qu’ils forment dans Les
noces rebelles
sous les traits de Frank et April, le romantisme est plus que moribond. A l’approche de la trentaine, mari et femme se sentent enfermés à leur corps défendant dans le
modèle de vie préfabriqué des années 50, avec une maison en lointaine banlieue et des rôles dans la société n’apportant aucune satisfaction – mère au foyer, commercial anonyme dans une société
parmi tant d’autres. L’exposition de cette situation, tant par l’image que par le dialogue, démontre une réelle lucidité à saisir la matière de ces dilemmes moraux intimes (ai-je un destin à
accomplir ? dois-je me fondre dans la masse et y tenir mon petit rôle quasi-insignifiant, ou bien prendre un chemin plus égoïste et plus risqué ?) autant que les pratiques qui peuvent
servir d’échappatoires éphémères – le sexe, l’alcool.


L’espoir de survie caressé par Frank et April (tout laisser en plan et partir de manière définitive à Paris) est également une piste scénaristique pleine de promesses, qu’elle conduise à un
succès ou un échec – sauf que la dite piste est sèchement abattue en plein vol. Certes, le roman de Richard Yates dont Les noces rebelles est une adaptation est assurément à
pointer du doigt pour cette volte-face. Mais ce que Mendes en fait n’est imputable qu’à lui-même. Son film se ratatine dans un surplace vain, avec l’hystérie comme voile camouflant tant bien que
mal une inertie irritante. Les habituelles dérives démonstratives du cinéaste (lumière péremptoire, musique étouffante, cadrages sursignifiants) se transforment en cage dorée empêchant tout
bourgeonnement d’un propos étoffé, pénétrant – on est à des années-lumière de l’utilisation sensationnelle que la série Mad men fait de la fausse perfection civilisationnelle
de cette période de l’après-guerre.


Les noces rebelles a beau suivre le même cheminement accablant que ses héros vers une mort à petit feu agitée de violents soubresauts, il est à peu près certain que ce n’est pas
dans un souci de mise en abyme cinglante mais par refus – encore – de prendre parti. Sam Mendes doit être très content de son idée de confier au trop rare Michael Shannon le rôle pivot du film,
celui de John le déséquilibré mental et servant de chœur antique disant tout haut ce que chacun autour de lui se refuse à exprimer. Mais ce personnage concentre toute l’ambiguïté du film : ceux
qui épousent la cause de la radicalité d’April trouveront les jugements de John particulièrement lucides ; ceux qui sont plus enclins à considérer le renoncement de Frank comme plus responsable
pourront camper sur le fait que John est classifié comme fou, à la marge. La dernière fois que l’on avait vu Michael Shannon, c’était en rôle principal de Bug ; voilà un vrai film sur les extrémités
psychologiques auxquelles peuvent pousser la violence sourde de la société et la hantise de l’échec.

3 réponses à “Les noces rebelles, de Sam Mendes, (USA, 2008)”

  1. la cinéphile maquée dit :

    à noter que Michael Shannon, le fou, imite Heath Ledger pour son Joker, il chante plus qu’il ne parle, ricane doucement, et penche un peu la tête de l’air de dire Why so serious. C’est pour ce clin d’oeil (peut-être pas voulu) que le personnage marque à ce point, même si sa deuxième intervention dans le film est absolument inutile.

  2. Zibeline dit :

    Assez déçu par ce film, je m’attendais à autre chose, par contre les acteurs jouent très bien.

  3. [...] lui dont les films étaient jusqu’à présent ou deadly serious (Les sentiers de la perdition, Les noces rebelles) ou cyniques (American beauty, Jarhead), et toujours situés dans un cadre à part – film de [...]