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- Les films maudits de John McTiernan : Le 13è guerrier (USA, 1998) et Rollerball (USA, 2002)
 
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Où ?
    A la cinémathèque pour Le 13è guerrier, dans le cadre de l’hommage rendu au romancier-cinéaste Michael Crichton ; et dans la foulée, en K7 vidéo enregistrée il y a quelques
    années pour Rollerball
  
Quand ?
Dimanche et lundi soir
Avec qui ?
Seul
Et alors ?
    Attaquons d’entrée : par son talent autant que par la démesure de ses projets et les accrocs qu’a connus sa carrière, John McTiernan est le Orson Welles de son genre – mineur – de prédilection qu’est le film
    d’action. On lui doit des œuvres aussi marquantes dans l’évolution du genre que Predator, A la poursuite d’Octobre Rouge, et principalement ses deux chefs-d’œuvre
    incarnés par Bruce Willis / John McClane, Piège de
    Cristal et Une journée en enfer. Après ce dernier, qui combinait succès commercial et ambitions renversantes (la scène d’ouverture, l’immense fausse piste qui sous-tend
    les trois quarts du scénario, la mise en abyme sur les règles et les ressorts qui charpentent le genre…), McTiernan s’est lancé dans un défi encore plus fou avec Le 13è
    guerrier. En surface, le projet a tout pour plaire au premier producteur hollywoodien venu : l’adaptation d’un roman de Michael Crichton, alors en état de grâce suite à
    Jurassic Park et Urgences ; une star montante dans le rôle-titre, Antonio Banderas.
  

  
    Un rapide parcours du livre aurait permis à ce producteur lambda (appelons-le Alan) de se rendre compte que les choses ne sont pas si simples. Située au 10è siècle, l’histoire de Eaters of
    the dead suit Ahmed Ibn Fahdlan, un noble arabe érudit, banni de la cour de son pays et réduit à l’errance dans des régions hostiles. Un concours de circonstances et de superstitions le
    conduit finalement dans la pire de ces contrées, loin au Nord de l’Europe où une peuplade viking est assaillie nuit après nuit par une horde d’hommes-bêtes sanguinaires. A cette ambition de
    récit, McTiernan ajoute une gageure visuelle poussant plusieurs crans plus loin les débuts d’expérimentations faits avec Predator. Le dessein du cinéaste est de parvenir au
    réalisme le plus définitif dans le déroulement des affrontements entre combattants – leur sauvagerie, leur durée, leurs conditions environnementales. Cette seconde moitié du film se déroule donc
    avec des enjeux binaires pour les protagonistes (survivre, tuer) et majoritairement de nuit, dans des espaces étriqués, parfois sous la pluie et toujours à la lueur des torches. Cette dernière
    particularité donne au 13è guerrier ses lettres de noblesse cinématographiques, peu de films ayant su atteindre – et maintenir sur la durée – une telle flamboyance, qui plus est
    dotée de sens. Cette occupation de l’espace optique du film par les ténèbres, la pluie, la boue et par ces lumières écarlates et vacillantes fait triompher l’image pure comme moyen d’exprimer la
    menace primitive que la barbarie fait rôder autour de l’humanité civilisée. Incarnée essentiellement par Ibn Fahdlan (une scène magistrale s’en remet uniquement à des moyens de cinéma pour le
    montrer apprendre la langue de ces compagnons de lutte), celle-ci risque à tout instant de (re)plonger dans ce gouffre de bestialité et de cruauté absolue.
  

  
    La force symbolique des images atteint son apogée lorsque le groupe de héros s’enfonce dans l’immense dédale de galeries souterraines de la grotte où se terrent les monstres. L’idée a depuis été
    reprise dans un autre film cauchemardesque et allégorique, The descent. Dans Le 13è guerrier, la séquence est malheureusement de toute évidence tronquée dans son
    élan, à l’image de bien d’autres. A la suite de projections-tests désastreuses, le studio a pris le contrôle du film et a trouvé en Michael Crichton un allié aussi improbable que zélé, prêt à
    prendre en charge la réalisation de quantité de scènes au service d’un remontage s’éloignant grandement du roman qu’il a pourtant lui-même écrit. Ne vous étonnez donc pas si la première partie du
    film vous semble bâclée, si certaines séquences ne vont pas au bout de leur logique sauvage et explicite, ou si le semi-happy-end est un modèle de virage à 180° : tout cela est le fait des
    sales pattes d’Alan, prêt à tout pour tenter de minimiser une perte financière présagée. Comme toujours dans ces cas-là, pas sûr qu’il n’ait pas abouti à l’effet inverse (le film n’a ramené que
    30 millions de dollars de recettes, et n’est resté dans la mémoire que des fans hardcore du cinéaste). La fougue incendiaire et la folle intensité visuelle voulues par McTiernan sont
    cependant toujours là, bien voyantes, telles des pépites indestructibles.
  
    Quatre ans plus tard, rebelote avec Rollerball. Entretemps, McTiernan s’est refait une image de marque avec le remake élégant et virevoltant de L’affaire Thomas
    Crown, qui pousse le miracle du septième art jusqu’à faire passer Pierce Brosnan et Rene Russo pour de bons acteurs. Lorsque le cinéaste se propose de réaliser le remake d’un autre
    classique des années 70 signé Norman Jewison, le susmentionné Rollerball, Alan (ou son remplaçant) dit à nouveau banco. Il aurait une nouvelle fois dû mieux lire ce qui lui était
    proposé. A l’exception d’une scène, le Rollerball de McTiernan se déroule intégralement en Asie Centrale ; et le sport ultraviolent qui donne son nom au film n’est plus une
    fin en soi mais le symptôme d’une société malade de ses excès, pourrie jusqu’à l’os et au bord de la rupture. Le péril d’une implosion barbare est donc là encore au cœur du récit, lequel est
    tourné non pas vers le passé mais vers le proche avenir ; et huit ans après le tournage, la pertinence de la « prédiction » de McTiernan ne s’est jamais aussi bien portée.
  

  
    La punition infligée à Rollerball est similaire à celle subie par Le 13è guerrier : une phase d’introduction réduite à une peau de chagrin, et un clap de fin
    stoppant net une histoire qui avait encore de quoi bien s’étoffer. Ces deux parties sacrifiées hantent encore le montage final lyophilisé du film (même pas 1h30), comme des membres fantômes pour
    des personnes infirmes. Il est ainsi impossible de ne pas ressentir dans la présentation de la première partie de rollerball, aussi longue et déchaînée que la partie elle-même, les échos
    de toutes les tensions et humiliations accumulées auparavant par les spectateurs – exploités pour des salaires de misères dans les usines et les mines de la région, dont l’on aura un aperçu
    fugace mais marquant plus tard dans le film – et par les acteurs (soumis au diktat de l’audimat et des sponsors) de ce sport. Rarement un décor clos aura été aussi bien pensé et exploité
    cinématographiquement qu’au cours de cette séquence. La sensation de brutalité suprême transmise au spectateur vient de l’exiguïté du lieu, de son remplissage jusqu’à l’excès (par les tribunes,
    les caméras, les écrans), et en conséquence de sa topographie indéchiffrable et oppressante.
  

  
    Les parties de rollerball s’enchaînent ensuite en laissant à peine le temps aux personnages d’exister et au scénario de se dérouler. Un véritable carnage. Tout juste sont-elles
    interrompues par une séquence de poursuite hallucinante, de nuit sur une route déserte… et filmée en vision nocturne. Mis entre les mains d’un réalisateur aussi créatif que McTiernan, le gadget
    se transforme en parfait instrument de mise en scène de notre société insensibilisée à la violence (la mort se réduit à une vague forme verdâtre qui soudain ne bouge plus), ainsi que de
    l’impuissance des héros à échapper à leurs employeurs-bourreaux. D’échappatoire, il n’y en a qu’un - le soulèvement radical, extrême, des masses. Les ciseaux du studio font que l’on n’en
    voit que les premiers soubresauts, mais ceux-ci ne laissent pas de doute quant à la nature de cette révolution : Louise-Michel puissance mille et pas de quartier,
    seule la mort – brutale, sauvage – attend les puissants d’hier et ceux qui restent à leurs côtés.
  

  
    Sans aller jusqu’à dire que Rollerball dans son état actuel est meilleur que la vision originelle de McTiernan (ce qui est très certainement faux), le destin mouvementé du film en
    a en définitive fait à son corps défendant le reflet franc et impartial de la société qui l’a vu naître. Aveugle aux dommages du passé et aux menaces du futur, obnubilée par l’argent, bloquée
    dans un présent perpétuel qu’elle s’empresse de saturer de distractions éphémères et débilitantes pour oublier le reste, elle brûle par les deux bouts une chandelle qu’elle a elle-même
    raccourcie.
  

Le 13eme guerrier, ça m’a tjs intrigué; je n’ai jamais eu autant l’occasion de voir un demi-film: on sent le truc potentiellement énorme, mais… charcuté, c’est tout. Sans espérer un hypothétique Director’s Cut, sais-tu si, par hasard, il y a un éventuel commentaire DVD de McT, quelque part ?
Par ailleurs, je verrais bien le Thomas Crown, tiens. J’avais été assez déçu par la version McQueen…
Non, la sortie DVD a été aussi sacrifiée que celle du film… et comme depuis McTiernan n’a rien fait qui lui permette de revenir suffisamment en odeur de sainteté auprès des studios pour obtenir
des rééditions de ses films, je pense qu’on peut attendre longtemps les director’s cut :-/