• Les grandes ondes (à l’ouest), de Lionel Baier (Suisse-France-Portugal, 2013)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles

Quand ?

Le mercredi soir de la sortie, à 21h

Avec qui ?

MonFrère et sa copine

Et alors ?

La période actuelle est décidément propice à un fruit généralement bien rare : la comédie politique intelligente, de variété francophone. Quinze jours seulement après l’extravagant Jacky au royaume des filles de Riad Sattouf, voici que nous arrive de Suisse un autre spécimen tout aussi savoureux – et plus sage uniquement en apparence. Les grandes ondes a pour postulat la couverture, par une équipe fictive de la radio suisse, de la bien réelle révolution des Œillets qui a renversé en une nuit d’avril 1974 la dictature militaire au pouvoir au Portugal. Cette idée de passer la grande histoire au tamis de la toute petite est la ligne de force qui porte l’ensemble du film. La révolution pour tous s’accole à l’émancipation vécue par chacun à sa manière, spirituelle ou charnelle. La conquête qui se dessine à mesure que le film avance est triple, c’est celle des esprits progressistes, des idées irrévérencieuses, des corps libérés. Cette victoire est pourtant partie de presque rien, de petites flammes individuelles dont les porteurs sont les premiers à ne pas croire à la possibilité qu’elles débouchent sur un embrasement.

Les grandes ondes fait sienne cette modestie initiale, en démarrant sur un mode piano plutôt qu’avec d’entrée plusieurs temps d’avance sur ses protagonistes. Sans rien savoir de ce qu’ils vont devenir par la suite, on découvre en même temps qu’ils s’apprivoisent mutuellement, avec plus ou moins de bonheur, le trio qui devient quatuor une fois embarqué dans leur van un jeune portugais pour jouer les interprètes. En raison d’un apprentissage de la langue dans les films de Pagnol, le français parlé par Pelé est frappé d’un fort et fort incongru accent marseillais – ce qui constitue le premier dynamitage comique d’un récit jusque-là introverti, à l’image de ses personnages contraints de s’en tenir à la case qui leur a été attribuée dans la société. Julie la femme et Bob le technicien sont priés de ronger leur frein en silence dans un milieu ouvertement macho et hiérarchisé, où ce sont les journalistes mâles qui tiennent seuls le haut de l’affiche ; mais Cauvin le grand reporter star n’est pas bien mieux loti, obligé d’être éternellement à la hauteur de sa réputation même quand il n’en a plus les moyens.

La suprême délicatesse de l’observation de la révélation à eux-mêmes de ces êtres, à la fois effet et catalyseur de la révolution, doit autant aux comédiens qu’au cinéaste. Valérie Donzelli et Michel Vuillermoz, dans des rôles qui les éloignent de leurs domaines de prédilection, et les moins connus Patrick Lapp et Francisco Belard s’affirment tous aussi hilarants qu’émouvants, aussi éloquents dans l’expression des caractères de leurs personnages que subtils dans la transition de l’un à l’autre. Ils sont en osmose avec leur metteur en scène Lionel Baier, qui fait étalage d’une aisance similaire dans les variations de ton, et les interruptions soudaines mais sans violence. Soit à l’exacte image de la révolution des Œillets qui lui sert de support, parfaitement honorée dans l’âme par sa figuration comme parenthèse enchantée qui ne dure qu’une nuit mais vous change pour la vie. Les grandes ondes de Baier sont un très bel exemple de soft power : d’affirmation douce et irrésistible d’un propos de fond au travers des entraînants évènements de surface, loin de l’œuvre dogmatique comme du produit sans cervelle.

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