• Les aventures de Robin des Bois, de Michael Curtiz & William Keighley (USA, 1938)

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Où ?

À la maison

Quand ?

Dimanche soir il y a dix jours

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Un film peut-il en tuer un autre ? Symboliquement bien sûr, non pas en en détruisant toute copie existante mais en trouvant une autre manière de faire en sorte que son visionnage soit quasiment impossible – en rendant cette expérience insupportable. C’est le cas, en ce qui me concerne, pour ces Aventures de Robin des Bois version 1938, celles du trio Errol Flynn – Olivia de Havilland – Michael Curtiz (mis par le studio à la place du réalisateur initialement choisi, William Keighley, en cours de tournage pour cause de mécontentement au vu des rushes). Le film compte pourtant parmi les grands classiques d’Hollywood, mais pour moi il a surtout été un long moment de comique involontaire, parfois même embarrassant. La faute en incombe à deux comédies tout à fait volontaires, conçues longtemps après Robin des Bois et qui sapent irréparablement les fondations de celui-ci. Monty Python : Sacré Graal ! d’une part, OSS 117 : Le Caire, nid d’espions de l’autre affichent aussi crûment que cruellement le ridicule consommé de Robin des Bois, ne lui laissant aucune chance de se remettre de cette attaque menée sur deux fronts.

La charge d’OSS 117 est une opération de précision, légère dans son exécution mais causant néanmoins des dégâts considérables. Tel Luke Skywalker à bord de son X-Wing envoyant son missile exactement dans le cœur de l’Étoile Noire, le film d’Hazanavicius cible l’élément-clé de Robin des Bois : son acteur principal Errol Flynn. Pour concevoir son personnage d’espion inopérant, Jean Dujardin a repris les deux principales mimiques du Robin des Bois incarné par Flynn et les a poussées à l’extrême, au-delà du raisonnable, dans le risible – d’autant plus nettement qu’OSS 117 n’a aucune réussite ou faculté concrète à faire valoir pour nous faire oublier ses frasques. Dujardin a tellement bien réussi son coup qu’il est aujourd’hui très difficile de regarder le sourire rutilant, ou le rire à gorge déployée (si fort que la tête bascule en arrière) de Flynn sans trouver caricatural cet étalage de triomphalisme en toutes circonstances. [Notons qu’en face le cabotinage confondant de Claude Rains en Prince John n’a besoin de personne pour atteindre les confins du ridicule, façon méchant de série Z].

En prime le Robin des Bois de Flynn, et sa troupe avec lui, n’en fait finalement pas beaucoup plus que l’OSS 117 de Dujardin. On nous répète à longueur de temps ses exploits et ses talents, sans en voir nous-mêmes la couleur – c’est plutôt la nullité de l’opposition qui saute aux yeux. Ce décalage entre les actes et leur récit est pris pour cible avec beaucoup de mordant dans Sacré Graal !, où le personnage de Sir… Robin est suivi en permanence par un ménestrel chantant sa gloire sur la base de prouesses grandement enjolivées voire totalement fantaisistes. C’est loin d’être le seul outrage commis par les Monty Python envers Robin des Bois, film qu’ils décortiquent comme on arrache une à une les pattes d’une mouche. Duel sur un tronc d’arbre servant de pont au-dessus d’une rivière, bataille sauvage en plein château stoppée net d’un instant à l’autre, débordements de liesse dans les scènes de banquets et d’enthousiasme dans les allégeances, tout y passe et tout trépasse. Ce n’est pas de la méchanceté mais de l’acuité, doublée d’un génie comique à même de transformer les gags en révélateur incontestable des béances du sujet moqué. Ainsi ruiné dans ses aspects divertissants, et dépourvu du moindre contenu sérieux pour compenser (résonne encore à mes oreilles la phrase du Roi Richard dans l’épilogue, « je bannis de mon royaume toute forme d’injustice »), l’accusé Robin des Bois est donc coupable ; mais son visionnage vous en conviendra mieux que moi.

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