• Le Havre, de Aki Kaurismäki (France-Finlande, 2011)

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Où ?

Au MK2 Bastille

Quand ?

Jeudi soir, à 22h30, après avoir vu On the ice (petit polar indie américain plutôt réussi)

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

J’aurais dû commander au Père Noël une recharge du fameux « esprit de Noël » (cela aurait été de circonstance en plus), car il semble que je sois à court à en croire mon absence totale de transport euphorique devant Le Havre. Telle était pourtant la réaction attendue de moi, dans le sillage de l’accueil critique presque unanimement extatique du film, couronné par la réception du prix Louis-Delluc quelques jours avant sa sortie en salles. Mais non, comme une poignée d’autres – les Cahiers du cinéma, Critikat – je me retrouve à rester à quai, ayant manqué l’embarquement à bord du conte de fées chatoyant et subtilement engagé. Lequel, depuis mon point de vue, m’apparaît moins charmeur et accompli qu’encombré de défauts lourds et déplaisants.

Premièrement, Le Havre est passéiste. Pas dans le geste de Kurismäki de faire un film se déroulant aujourd’hui en utilisant des éléments visuels d’hier (échoppes des commerçants, voitures, enseignes et panneaux, etc.), qui a sa validité comme moyen d’amener le récit sur le terrain de la fiction la plus complète qui soit, le conte. Mais dans certaines attitudes (la place de l’épouse, évidemment aux fourneaux) et dans le regard qui est porté sur tout ce qu’il reste encore de moderne et de jeune à l’écran. Les quelques manifestations de la modernité, du temps présent, ont toutes une finalité négative, à l’image de l’unique téléphone portable, utilisé pour dénoncer quelqu’un à la police. Concernant les jeunes, c’est en réalité leur absence qui frappe, à l’exception de l’adolescent sans-papiers en fuite – qui ne bénéficie d’aucun développement pour soi et ne sert que d’enjeu ou de catalyseur aux histoires des plus vieux, omniprésents à tous les étages de la narration. Film vieux, Le Havre n’en tire ni sagesse ni douceur mais un rejet méfiant de ce qui est trop neuf.

Deuxièmement et troisièmement, car les deux sont liés, Le Havre est mièvre et très pauvre en idées. Il n’a quasiment rien de plus à offrir que son synopsis – un cireur de chaussures aide un émigré gabonais à échapper à la police et à partir pour l’Angleterre – à l’état brut, tellement les étapes de l’intrigue passent toutes comme autant de lettres à la poste, sans péripéties, obstacles ou déviations imprévues. C’est un long fleuve très tranquille, qui est dans la même posture d’affirmation infaillible qu’un livre pour enfants de deux ans, et où les protagonistes restent désespérément immuables moralement et émotionnellement d’un bout à l’autre. La cause en est l’insistance de Kaurismäki à éliminer de son film toute présence mauvaise, sous la forme d’un personnage de méchant (il y en a un seul, comme il y a un seul jeune, et il est tout aussi transparent, avec pour seule capacité de nuisance le fait d’appeler la police) ou d’un événement pénible et dépeint comme tel. Il n’y a dans Le Havre absolument aucune trace de misère, de malheur, de souffrance. Et personnellement, je ne vois pas comment un film peut être solaire s’il n’y a pas la plus petite zone d’ombre à écarter ; vivifiant si rien ne vient nous rappeler la menace même lointaine de la mort, de la perte. Le Havre est un film-« bisounours », où tout le monde est gentil et intouchable et où tous les problèmes sont réglés sans effort. Cela ne le rend pas seulement insignifiant, mais également inquiétant car il semble dire que le seul espoir pour les bons de l’emporter sur le mal est de nier la portée, voire carrément l’existence de ce dernier. À vaincre sans péril…

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