• La rançon de la gloire, de Xavier Beauvois (France, 2014)

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Où ?

Au cinéma La Bastille (le film ne passe presque plus nulle part dès sa deuxième semaine d’exploitation, quelle tristesse)

Quand ?

Lundi soir, à 19h

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Au moment où Eddy (Benoît Poelvoorde) expose son idée soi-disant « géniale » à son ami Osman (Roschdy Zem), il l’introduit par ces mots : « on va demander de l’argent à notre ami ; Charlot c’est l’ami des pauvres, des exclus, des immigrants ». Toute la question est alors de bien savoir de qui l’on parle. Charles Chaplin, le multimilliardaire au cercueil terriblement lourd à déplacer (oui, l’idée « géniale » d’Eddy est de kidnapper la dépouille de Chaplin tout juste enterré, afin de demander une rançon à sa famille) et au majordome patibulaire, rigide et brutal ? Ou bien Charlot, son alter ego vivant pour l’éternité sur les écrans de cinéma, veillant sur ceux que la vie éreinte et réchauffant les cœurs ? Parle-t-on du corps, ou de l’esprit ; de la réalité, ou de l’art ? Le beau souffle qui porte La rançon de la gloire a pour dessein de faire passer les seconds avant les premiers.

Xavier Beauvois est viscéralement du côté de ses héros, sans jamais s’éloigner d’eux, depuis les longues scènes du début dans l’espace exigu de la caravane où ils vivent jusqu’au procès intervenant en fin de récit, au cours duquel la plaidoirie de leur avocat met les mots justes sur les émotions dont le film se nourrit, et qu’il nous transmet avec tendresse. La bande-originale composée par Michel Legrand est sans conteste le véhicule essentiel de cette bienveillance ; de cet attachement, cette amitié même que Beauvois tient à nouer entre nous et le tandem Eddy-Osman. Dès qu’elle est conviée (comme lors de cette même scène de présentation du plan d’Eddy) la musique de Legrand apporte sa fantaisie savoureuse, qui ouvre la porte à la joie de vivre dont rêvent les personnages en suivant les enseignements des films de Charlot. La joie de vivre et de rire malgré tout constituait un des deux piliers de son œuvre, l’autre étant la foi en la possibilité de donner aux mélodrames des fins heureuses.

La rançon de la gloire emprunte également cette seconde voie, avec une réussite plus précaire. Beauvois peine à rendre l’histoire familiale d’Osman (son épouse hospitalisée, sa fille aux rêves pour le futur tués dans l’œuf) convaincante, ou en tout cas aussi convaincante que le versant joyeux du récit. Toutefois seule la forme est maladroite, le fond est quant à lui tout à fait valide. Et le réalisateur compense les lacunes de son scénario par de très belles idées de mise en scène, courant d’un bout à l’autre du film. Ici, le raccord entre une image d’archive montrant Chaplin une pelle à la main pour démarrer symboliquement les travaux de son studio, et un plan sur la pelle traînant dans le jardin d’Osman et donnant à Eddy son idée ; de façon plus ample, la boucle entre le plan d’ouverture (une porte de prison, Eddy qui sort face à nous, le gardien qui lui lance « et arrête de faire le clown maintenant ») et celui de conclusion, qui voit le même Eddy s’éloigner de la caméra et entrer sur une piste de cirque où il va… faire le clown. Marchant dans les pas de Charlot, après avoir cru que son salut viendrait de Chaplin – la morale de La rançon de la gloire est aussi habile que gracieuse.

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