• La femme au gardénia, de Fritz Lang (USA, 1952)

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Où ?

À la maison, en DVD zone 2

Quand ?

Dimanche après-midi

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

La femme au gardénia est un cas exemplaire de film que tout destinait à être mineur, dans son succès ou son échec, et qui se voit promu à un tout autre statut par l’identité du réalisateur qui s’est attelé à le porter à l’écran. L’intrigue mélange matériau de fait divers sinistre (une suspicion d’homicide involontaire après un rendez-vous romantique mal engagé et encore plus mal conclu) et exploration de la psyché féminine (éphémère mode hollywoodienne dans l’après-guerre, qui était presque éteinte au moment de La femme au gardénia), avec une absence de prétention de nature à le fondre encore plus certainement dans la masse des films noirs produits à la chaîne en ce temps. De la même manière, son casting est entièrement constitué de figures de série B autour de l’actrice principale Anne Baxter. Mais tout ce petit monde et le texte qu’ils ont à jouer sont entre les mains de Fritz Lang, et cela change tout. Le metteur en scène montre le plus grand respect envers le fait divers, qu’il traite sans morgue ni tendance malsaine au racolage. Il fait du déroulement des événements, depuis les hasards ayant mené à la rencontre entre les deux acteurs du drame jusqu’à l’aboutissement de celui-ci, un exposé d’ordre journalistique, où seuls comptent les actes, détails factuels et autres éléments matériels. Un comique de situation parfois saugrenu (le dîner des deux protagonistes prend place dans un improbable restaurant sino-polynésien) y trouve ainsi sa place au même titre que la violence sèche de la tragique dispute qui conclut la soirée.

Objectif dans cette phase du récit (comme plus tard dans tout ce qui aura trait à l’enquête en parallèle de la police et d’un reporter en quête de gros titres), Lang sait commuter sans problème sur une mise en scène puissamment expressive et abstraite pour explorer l’esprit de son héroïne. Il révèle de la sorte l’écheveau de peurs et de pulsions contradictoires qui le compose, en usant de jeux d’ombre et de lumière, de cadrages bousculés et d’effets d’affolement du montage remarquablement maniés. Et surtout très savamment dosés afin d’étoffer le personnage, en le rendant captivant, poignant, tout en sachant très bien où se situe la limite à ne pas dépasser pour ne pas mettre en danger la crédibilité du film. La femme au gardénia échappe ainsi au ridicule qui teinte aujourd’hui la majorité des œuvres de cette époque s’étant essayées à l’intrigue psychologisante. Mieux, il se révèle franchement touchant dans son portrait de femme car on y ressent une empathie sincère de la part de Lang à propos de la fragilité humaine face aux tentations et aux dangers. La preuve définitive de la réussite de La femme au gardénia est apportée par son retournement de situation final ; sorti de nulle part sur le papier, valable et même renforçant le propos émotionnel du film dans les faits.

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