• Il est toujours difficile de clore une série…

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…mais peu s’en sont aussi mal tirés que les créateurs de Battlestar Galactica. L’interminable (2h25 !) dernier épisode qu’ils ont conçu définit une référence basse
dans le genre, et malheur à celui qui « réussira » à faire moins bien. Pourtant, la première moitié de la saison 4 générait un engouement qui semblait de
taille à balayer pour de bon les réticences à l’encontre de la série, de son rythme heurté et de son absence de vision à long terme. Mais la grève des scénaristes de l’hiver 2008 est arrivée.
Elle a forcé les auteurs de la série à solder en catastrophe leur trame narrative du moment (la coalition entre Humains et Cylons, la découverte de la Terre) tellement prometteuse ; puis à
en concevoir une nouvelle pour les dix derniers épisodes prévus, finalement réalisés et diffusés presque un an plus tard. La grève fut assurément une grosse complication, qui excuse certaines
choses mais pas l’incapacité de la série à retrouver un niveau équivalent à celui célébré dans cet article.

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Une partie des ennuis vient de la fin abrupte retenue pour l’avant-grève – la Terre tant convoitée se révèle être un champ de ruines post-nucléaire et inhospitalier. Partant de là, la série n’a
d’autre choix que d’effectuer un énième reboot renvoyant les héros à une errance intergalactique sans fin envisageable. Cet état est difficilement compatible avec l’obligation de
conclure en dix épisodes, et le résultat à l’écran laisse à penser que l’équipe de scénaristes dans son ensemble a cédé à la panique face à l’ampleur du défi à relever. Les intrigues sont
décousues et gavées de redites de situations déjà usées dans les saisons précédentes ; les personnages perdent une grande part de leur consistance et de leur crédit, trimbalés d’un état à un
autre au gré des idées éphémères des auteurs. Les pistes laissées en suspens (le statut de Kara) ou brutalement refermées (le coup d’état de Gaeta et Zarek) s’accumulent, et menacent sérieusement
de tout submerger, quand arrive le marathon de conclusion.

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On peut – on doit – scinder celui-ci en deux parties. La première et plus longue des deux s’apparente à un épisode de fin de saison de Battlestar Galactica classique
avec sa tension croissante, son immense bataille spatiale, son conflit aigu qui implique activement tous les principaux protagonistes, et bien sûr son « Gaius Baltar moment ».
Comme à chaque fois cela fonctionne, principalement grâce à l’aplomb et à l’ardeur mis à l’ouvrage qui transcendent la qualité toujours variable de l’interprétation et de l’écriture. Cela vaut
surtout cette fois-ci pour la composante fondamentale du script, qui est la justification à la hussarde de la quasi-totalité des errements du récit et des effets deus ex machina qui
l’ont emmaillé. En gros, nous disent de manière particulièrement directe les auteurs, c’est ok que le scénario soit artificiel et que tout n’y trouve pas une bonne raison, car les personnages
accomplissent leur destin. Qui est écrit depuis toujours, est inamovible et ne peut pas être expliqué dans son intégralité. La culbute est
cavalière, pas très raffinée dans sa mise en musique (on est loin du doigté d’un Signes, sur le même principe), mais indéniablement efficace ; les frissons qui nous
parcourent lors de la réintégration du rêve de l’Opéra de la fin de la première saison, et au moment du choix des coordonnées du dernier saut dans l’espace, sont là pour l’attester.

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Par contre, rien ne vient sauver la dernière demi-heure qui fait office d’épilogue. Car rien ne peut compenser la trinité nuisible qui s’y déploie – un gros bobard, un gros crachat dans la
soupe, et un gros couplet antiévolutionniste, tous les trois jetés sans pondération au visage du spectateur. Le bobard : essayer de nous faire avaler qu’en réalité la Terre cherchée pendant
trois saisons et demie n’était pas la nôtre, et que la série ne se déroulait pas dans notre futur mais dans notre passé. Il est évident que ce renversement de dernière minute a été trouvé en
catastrophe, et n’était pas du tout l’idée initiale. Le crachat : faire de cet épilogue une apologie du cliché (copyright Knacki Herta) du « retour à la terre », à la nature, en
bazardant la technologie et le progrès. Venant d’une série de science-fiction avec des effets spéciaux de plus en plus présents au fil du temps, c’est un message difficile à admettre comme étant
valide – et les gros sabots du montage moralisateur des dernières secondes n’en donne certainement pas envie. Enfin, le meilleur, le couplet antiévolutionniste (malheureusement en phase avec le
christianisme prosélyte de plus en plus marqué dans la dernière partie de la série) : saviez-vous, chers lecteurs, que si des extraterrestres humanoïdes n’étaient pas venus se mêler
incognito – bien que la faisabilité de ce dernier point reste obscure – aux premiers homo erectus, l’évolution seule ne nous aurait probablement pas amenés là où nous en sommes ? Et bien si,
pourtant. Et en cadeau bonus de ces propos hallucinants, Battlestar Galactica nous offre comme blague de fin une remarque moqueuse sur le fait que les ossements d’un des
squelettes d’hominidés les plus anciens seraient en réalité ceux d’une hybride Humain-Cylon… Bien bien. Si possible, on se souviendra plutôt de la série pour autre chose que cette chute pénible.

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2 réponses à “Il est toujours difficile de clore une série…”

  1. BlueCookie dit :

    « On se souviendra plutôt de la série pour autre chose que cette chute pénible. »

    Ah mais tout à fait. Pour moi, ce dernier épisode amputé des 30 dernières minutes a beau ne pas être parfait, il suffit à clore la série convenablement en rassemblant les pièces.
    Je vais me programmer une petite perte de mémoire pour oublier la suite, et tout ira bien !

  2. <a href="http://cine-partout-tout dit :

    Attention à l’effet « Eternal sunshine of the spotless mind » dans ce cas !