• Il n’y a pas de rapport sexuel, de Raphaël Siboni (France, 2011)

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Où ?

Au Reflet Médicis (sur Paris, le film passe également au MK2 Beaubourg)

Quand ?

Samedi soir, à 22h30

Avec qui ?

MaBinôme

Et alors ?

Bien que le nom de l’artiste vidéo Raphaël Siboni soit officiellement accolé à la mention « un film de… », le véritable cerveau à la manœuvre dans le documentaire Il n’y a pas de rapport sexuel se cache derrière les trois lettres du pseudonyme HPG. C’est ce dernier, acteur et réalisateur de films X, qui a pour habitude depuis plus de dix ans de capturer le tournage de toutes ses productions au moyen d’une caméra présente sur le plateau, le plus souvent fixe sur un trépied dans un coin de la pièce. HPG est donc à la fois devant et derrière la caméra de Il n’y a pas de rapport sexuel, et le rôle de Siboni s’est cantonné au montage et à la réduction de ces milliers d’heures d’images en un film cohérent d’1h18. C’est un apport à la fois majeur, car il fixe le ton de l’œuvre, ce qu’elle exprime, et mineur car Siboni ne peut s’extraire hors du cadre de travail déterminé par l’omniprésence et la personnalité de HPG.

La réussite du film vient de la faculté de Siboni à concilier les deux. Du matin au soir, jour après jour, HPG fabrique les images de sexe que le marché lui commande, vidéos ou photos, hard ou soft, avec des amateurs ou des professionnels. Il incarne ainsi pleinement la fonction première du X, qui consiste à fournir un contenu répondant aux désirs physiques des hommes et des femmes – sans porter de jugement, dans une absolue neutralité. Il n’y a pas de rapport sexuel montre le X tel qu’il est, un médium ni mauvais ni bon en soi et qui ne le devient que dans le regard que les gens portent sur lui. Sur ce point, la valeur ajoutée par Siboni au film est réelle : c’est son montage qui met à l’équilibre les moments appuyant une vision du porno plutôt négative (l’exploitation des corps, la manipulation des esprits à laquelle a parfois recours HPG) ou positive (le plaisir non feint qui surgit au milieu du travail, la complicité totale qui peut régner sur un tournage). Ayant ainsi exclu de son spectre le brouhaha du débat pro / anti, il libère la voie pour que s’exprime une voix plus posée, plus intéressante – celle qui explique comment ça marche.

Dans ce cadre, Siboni ne cherche pas à faire un film contre HPG ou malgré lui, mais le compose autour de son omniprésence. HPG devient le passeur entre nous et le monde du porno, et c’est un intermédiaire idéal de par le cynisme et le détachement qu’il a accumulés au fil du temps dans son rapport à son métier. Cette carapace en fait un professionnel absolu, à ce point débarrassé de tout affect qu’il est comme un ouvrier ayant fusionné avec sa machine. La représentation de l’industrie du X qui prend forme à travers ce que fait et ce que dit – ce second point encore plus que le premier – HPG est dès lors la plus objective qui puisse être. C’est déjà passionnant en soi, comme le sont tous les exemples de travail filmé par le cinéma, qui est l’art parfait pour capter cette partie de l’activité humaine. Que le travail dont il est question soit le cinéma lui-même n’est évidemment pas anodin ; cela ouvre une autre voie à explorer pour Siboni, celle d’une démonstration ludique et limpide que toute création d’une image filmée est une fabrication, un mensonge. Cette réalité est rarement aussi évidente que dans le cas des séquences dites soft, où les organes sexuels ne doivent pas apparaître à l’écran. Le cadrage en plan large des tournages de ces scènes par la caméra du making-of atteste de leur artificialité totale, acteurs et réalisateur devant s’astreindre à des contorsions presque comiques pour prendre la seule et unique position des corps et de la caméra qui permet d’accomplir ce qui est exigé. Parole de HPG : « ouais je sais, la fausse pipe c’est ce qu’il y a de plus galère ».

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