• Hénaut président, de Michel Muller (France, 2012)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles

Quand ?

Vendredi, à 13h

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

On ne peut pas dire que l’actualité ait souri à Michel Muller. Déjà que le niveau de petitesse et de trivialité auquel se tient la campagne présidentielle en cours rend la réalité pire que la fiction, mais il a fallu en plus que le mercredi retenu pour la sortie en salles de Hénaut président soit le moins ouvert de tous, entièrement accaparé par un seul événement, en direct qui plus est. Hénaut président mérite mieux que l’anonymat auquel il semble ainsi condamné. En reprenant sa mini-série tv du même nom imaginée à l’occasion de la précédente élection présidentielle et en la portant sur le grand écran, Muller réalise un bel exercice de satire fine et intelligente. Il se hisse au-dessus des facilités que sont le cynisme du « tous pourris » et la critique des gesticulations appartenant au présent immédiat. Sans se reposer sur des références factuelles et contemporaines (exception faite d’une amusante scène au QG de campagne d’Eva Joly), Hénaut président fonctionne de manière autonome, comme une modeste mais efficace captation de l’air d’une époque où le politique est phagocyté par le médiatique et la communication.

Il est donc pertinent que le centre de gravité du récit ne soit pas tant le candidat Pierre Hénaut, interprété par Muller dans un épatant exercice d’auto-rabaissement – physique déprécié, gestuelle lente et mal affirmée, tenue vestimentaire problématique, regard apathique, que son communicant en chef Thierry. Rôle confié à Olivier Gourmet, qui en fait un ogre excessif en tout et scrupuleux en rien. Une fascinante ordure, vulgaire, manipulatrice, colérique, méprisante ; en somme un personnage à l’exact opposé, dans son rapport à la politique et aux gens, de celui qu’incarnait l’acteur dans L’exercice de l’État il y a quelques mois à peine. Ses deux compositions sont aussi formidables l’une que l’autre. Hénaut président propose d’ailleurs un mash-up pour le moins inattendu entre L’exercice de l’État et un autre film politique sorti au même moment, Les marches du pouvoir. La trame narrative de Muller est en effet similaire à celle du scénario de George Clooney (les arrangements d’un candidat avec l’éthique pour jouer les premiers rôles dans une campagne électorale). Le traitement qui en est fait est plus drôle chez le premier, et donc plus entraînant.

La dynamique entre Pierre et Thierry, c’est l’eau face au feu, les « 333 propositions pour remettre la France en marche et l’homme au centre » (avec une grande part consacrée au sujet brûlant de l’harmonisation fiscale européenne) contre les moulages de bite en plexiglas envoyés aux concurrents. Sur cette base Muller tisse une succession de péripéties et de gags bien sentis, relevés par des embardées savoureuses vers l’absurde (la musophobie de Hénaut) ou la bêtise maximale (une opération commando pour fouiller un sac à main). Le tempo du film, posé plutôt qu’hystérique, qui prend le temps de construire la montée en puissance de ces gags, participe de la volonté de se placer à l’écart de la mêlée. Et ainsi faire en solo son beau petit bout de chemin comique.

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