• Grand Central, de Rebecca Zlotowski (France, 2013)

Je like cet article sur les réseaux sociaux de l'internet!

Où ?

Au MK2 Bibliothèque

Quand ?

Un vendredi soir début juillet, en avant-première à Paris Cinéma

Avec qui ?

MaBinôme

Et alors ?

Rebecca Zlotowski est une cinéaste de l’influx (les émois des personnages) plutôt que des flux (narratifs). Son premier long-métrage, Belle épine, portait bravement mais trop maladroitement cette intention ; Grand Central fait mieux, tout en se heurtant aux mêmes limites. Zlotowski et sa coscénariste Gaëlle Macé ont jeté leur dévolu sur un décor d’exception : une centrale nucléaire, et la troupe d’ouvriers itinérants qui s’affaire dans ses entrailles lors des arrêts de tranches, le petit nom pour les périodes de maintenance de ces gros engins. À l’ombre du mastodonte, Zlotowski et Macé imaginent une passion charnelle qui va mettre en péril l’intégrité du groupe, alors même que chaque journée de travail au milieu des radiations met en péril l’intégrité physique de ses membres. Comme en prime l’environnement autour de la centrale est idyllique à souhait (voisinage d’un fleuve et éloignement des villes oblige), Grand Central existe tout entier sur cette juxtaposition des contraires : la matière organique des corps, du paysage, contre la machine démesurée qu’est la centrale. La Nature et son antithèse, inévitables rivales car elles aspirent à tenir le même rôle absolu vis-à-vis de l’humanité – être source de vie et de mort.

Grand Central ne construit pas de récit à proprement parler sur la base de cet affrontement. Le scénario en reste au stade de son observation, se nourrissant ainsi de sa puissance symbolique sans la cultiver. Il en résulte une œuvre volatile, dont l’empreinte plusieurs semaines après sa découverte est ténue. Mais sur le moment, son éclat éphémère impressionne. À partir de peu, Zlotowski crée des visions d’une grande beauté. Son style, la captation naturaliste à fleur de peau des émotions brutes des personnages, fonctionne aussi bien à l’intérieur de la centrale que dans l’éden composé de verdure et d’eau fraîche qui la borde. Les scènes de sexe entre ses héros adultères diffusent une pureté sensuelle et insouciante semblable à celle du gracieux Inconnu du lac. À l’inverse, son suivi des opérations dans la centrale génère sans forcer une atmosphère aussi fascinante que violemment anxiogène au moindre grain de sable dans le protocole. Les atouts dans la manche de la cinéaste ne se limitent pas à son talent formel ; ses inspirations pour l’accompagnement musical et son sens du casting (un des plus beaux de l’année : Léa Seydoux, Tahar Rahim, Olivier Gourmet, Denis Ménochet, Johan Libéreau) sont tout aussi frappants. Raison(s) de plus de regretter que Zlotowski n’ait pas saisi l’opportunité de faire un plus grand film, plus à la hauteur de son grand sujet, en tirant l’un ou l’autre des nombreux fils présents à la lisière du cadre.

Laisser un commentaire