• Good kill, de Andrew Niccol (USA, 2014)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles

Quand ?

Jeudi soir

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Au moins, on ne se fait pas longtemps d’illusions à propos des mauvaises visées de Good kill. Dès la première séquence, le personnage principal – évitons de l’appeler un héros, puisqu’il est tout le contraire – Tom Egan (Ethan Hawke) se lamente de son affectation en tant que pilote de drone, car elle le prive de faire la guerre « pour de vrai », à bord d’un avion de chasse comme cela était le cas auparavant. La scène suivante montre le supérieur de Tom, Jack Johns (Bruce Greenwood), enfoncer le clou dans un discours de bienvenue à de nouvelles recrues. Il y évoque les voix qui dénigrent cette nouvelle stratégie militaire comme étant « une guerre de tapettes », ne le réfutant pas mais rétorquant que c’est comme ça que les choses se déroulent désormais. Voilà l’enjeu auquel se restreint d’entrée Good kill : le seul vrai souci avec les drones serait que leur utilisation sape la virilité des bons soldats des États-Unis.

La géopolitique et la morale peuvent aller voir ailleurs, ce qui compte avant tout est la résolution de la crise intime frappant le couple américain modèle formé par Tom et son épouse Molly (January Jones). À l’autre bout du film, la conclusion laborieusement amenée (si seulement il s’agissait de la seule chose laborieuse) en fil rouge du récit apporte la solution à ce problème tel qu’il a été diagnostiqué. Il suffisait d’y penser : pour regagner ses couilles, Tom détourne un drone à son usage personnel et s’en sert pour annihiler un taliban violeur – employant donc ses couilles aux pires fins possibles. La misère absolue de cette dialectique fait encore descendre d’un cran Andrew Niccol, déjà tombé bien bas il y a quelques années avec Time out. Le scénariste de Bienvenue à Gattaca et réalisateur de Simone et Lord of war n’est plus qu’un souvenir appartenant à un passé révolu, il a été remplacé par une ombre embarrassante et impuissante.

Au milieu de Good kill, prenant peut-être lui-même conscience de la maigreur famélique de son propos, Niccol y accole une intrigue complémentaire sur les méchants de la CIA devenant donneurs d’ordre des bons soldats, leur faisant exécuter des méchants talibans y compris si cela implique des victimes collatérales civiles dans des proportions inqualifiables. Mais ce sujet autrement plus judicieux et intéressant est gangréné par le même mal qui frappait Time out. Je cite du coup la phrase que j’avais écrite à cette occasion : « à force de simplifier, Niccol réduit son propos à un exposé de collégien enfonçant des portes ouvertes à coups de monologues élémentaires mis dans la bouche des personnages ». Loin (tellement que cela en devient gênant) des qualités démontrées par American sniper ou la dernière saison de Homeland sur cette question de la guerre moderne, Good kill est ingrat et décharné, sans allant et sans idées.

Il est surtout viscéralement républicain, tendance radicale, tranchant dans le vif de chaque sujet pour une réponse binaire. L’Amérique représente le Bien, ses ennemis le Mal ; à l’intérieur de ses frontières, l’État est une entité nuisible et la lumière vient des initiatives individuelles ; les hommes sont des chasseurs virils et les femmes sont douces (le seul soldat à émettre des réserves explicites envers les ordres de la CIA est ainsi de sexe féminin)… Cette partialité grossière dont fait preuve le film lui porte le coup de grâce, et nous fait nous demander tristement ce qu’il est advenu du Andrew Niccol d’antan. Celui qui n’aurait pas laissé passer sans rien en faire les deux éléments furieusement cinématographiques amenés par le sujet des drones : l’invention de facto de machines permettant de se téléporter un autre point du globe (ces containers posés les uns à côté des autres sur une base militaire et qui vous envoient au choix en Afghanistan, en Irak, au Yémen, etc.), et le fait que sur les écrans de contrôle l’image de l’impact soit invariablement une image manquante. On voit le monde avant la frappe, les dégâts après, mais jamais l’entre-deux.

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