• Fuocoammare, de Gianfranco Rosi (Italie, 2016)

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A la maison en DVD édité par Blaq out (sortie le 20 février 2017) et obtenu via Cinetrafic dans le cadre de leur opération « DVDtrafic »

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L’île de Lampedusa est plus proche des côtes africaines que de l’Italie, à laquelle elle est rattachée. Cette réalité géographique trouve aujourd’hui un écho humain avec la crise des réfugiés, qui fait fuir des dizaines de milliers de personnes désespérées en direction des côtes de l’île, bouleversant l’existence immuable depuis des générations des habitants de cette dernière. Le documentaire Fuocoammare trouve la bonne distance pour filmer la collision de ces deux réalités, et une belle idée de cinéma pour interroger notre place face à de telles circonstances. À Lampedusa, le documentariste Gianfranco Rosi a remisé au placard l’essentiel des facilités et frasques dont sa mise en scène pouvait faire étalage. Pas toutes, certes : il ne résiste pas toujours à l’attrait de la belle image gratuite (par exemple un plan esthétisant de lever du soleil sur le pont d’un navire de la marine italienne, où une porte s’ouvre lentement pour faire apparaître un hélicoptère), et sur le fond il communique avec le public par le biais de l’émotion plutôt qu’en expliquant la tragédie humanitaire qui touche l’Europe toute entière, à partir de ses frontières méridionales.

Les circonstances et enjeux globaux, d’ordre politique de ce drame ne rentrent en effet pas dans le cadre de Fuocoammare. Rosi focalise son attention sur l’humain, et il le fait avec justesse. Son film alterne les scènes aux côtés des natifs de l’île et les opérations de sauvetage en mer des réfugiés massés sur des rafiots indignes, sans jamais faire sentir une prépondérance des uns, des autres, ou de la troisième partie en présence – nous, devant l’écran. Le principe fondamental de Fuocoammare est l’égalité entre les êtres dans leurs différences. Les réfugiés dans leur périple mortel vers l’espoir d’une existence meilleure, les habitants de Lampedusa dans leur quotidien transmis de génération en génération, les spectateurs découvrant par l’entremise du cinéma ces événements se déroulant à des milliers de kilomètres de là où ils vivent, ont tous des vies disparates dont aucune n’a plus ou moins de valeur qu’une autre. Exilés et lampedusiens sont de fait traités en égaux par le montage ; et la distance idéale que Rosi trouve pour témoigner de ce qui se passe sur l’île – ni trop loin, dans l’indifférence, ni trop près, dans le voyeurisme – nous place sur le même plan que tous ces individus frappés de plein fouet par cette crise.

Rosi fait preuve de pudeur vis-à-vis de ses personnages, et d’engagement à leurs côtés, même si on peut trouver qu’il se laisse aller à un léger racolage avec le choix du jeune Samuele comme figure centrale du récit côté italien – mélange d’Antoine Doinel et d’archétypes de son pays, Samuele est incontestablement un « bon client ». Mais derrière cette facilité de façade, Samuele est aussi celui qui introduit l’idée de cinéma venant accroître la valeur de Fuocoammare. Lorsqu’on le rencontre, Samuele s’adonne à un jeu de garçon irréfléchi : il mime des tirs de fusil vers le ciel et la mer. Puis, au cours du film il va se voir dans l’obligation de porter un bandeau masquant son bon œil, afin de ne regarder le monde qu’avec son « œil paresseux », qui fonctionne très bien mais n’envoie aucune information au cerveau, laissant l’autre se charger de tout le travail. Nullement soulignée pesamment par le dialogue, simplement portée par l’image, l’allégorie qui perce alors est belle et forte. Elle nous incite à recourir nous aussi à notre œil paresseux, afin que s’imprime dans notre esprit un regard plus accueillant, plus humain sur cette horreur qui a lieu à nos portes – au lieu de lui opposer pour seule réaction la posture de rejet consistant à braquer des fusils (réels ou symboliques) en direction de la mer d’où viennent ceux qui voudraient soi-disant « envahir » notre espace.

« Ils veulent juste un peu de dignité et ne pas craindre la mort à tout moment », comme le rappelle Pietro Bartolo, directeur de l’hôpital de Lampedusa dans sa longue et souvent déchirante interview proposée parmi les suppléments du Blu-ray. En ces temps de plus en plus sombres, où les discours de repli sur soi et de haine de l’étranger étouffent toute autre parole, Bartolo rappelle des vérités qu’il est urgent et vital de mettre dans toutes les oreilles – sur la violence cauchemardesque des voyages longs de plusieurs années des migrants, sur l’état d’anxiété extrême des habitants de Lampedusa confrontés quotidiennement à la mort, mais surtout sur « la Mer Méditerranée qui unit », envers et contre tout, contre ceux qui voudraient en faire une frontière et un cimetière.

Bartolo est également très intéressant quand il raconte son expérience de la méthode de Gianfranco Rosi, qui filme de manière tellement discrète et solitaire (il était littéralement seul, avec sa caméra de poche) que le tournage de Fuocoammare était achevé avant que Bartolo se soit rendu compte qu’il avait débuté. Les autres bonus sont un (trop) court entretien avec Rosi lui-même, et des interviews d’un écrivain et d’un journaliste français venant apporter leur propre éclairage sur le sujet des réfugiés.

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