• Elysium, de Neill Blomkamp (USA, 2013)

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Où ?

Au Max Linder Panorama

Quand ?

Le mercredi de la sortie, à 19h30

Avec qui ?

MonFrère

Et alors ?

À tout juste trente ans, le réalisateur sud-africain Neill Blomkamp avait fait une entrée fracassante dans le sérail du cinéma de genre avec District 9, premier long-métrage plein à craquer de qualités, de promesses… et de défauts importuns qui l’empêchaient de donner la pleine mesure de son potentiel. Je parlais dans ma critique à l’époque de « dilemme intérieur entre intelligence et action bourrine » chez Blomkamp, qu’il s’agirait de régler afin de gagner encore en valeur. Mais voilà, lorsqu’un studio hollywoodien vous donne cent millions de dollars et Matt Damon pour que vous refassiez peu ou prou le même film, cela n’incite pas vraiment à la remise en question. Elysium a donc les mêmes qualités et lacunes que son prédécesseur, malheureusement dans des proportions inversées. Car le film, par son ampleur et ses contraintes nouvelles, a assurément glissé entre les doigts de son auteur, ce qui amplifie ses erreurs et amenuise ses mérites.

Une chose pour laquelle Blomkamp est incontestablement doué est l’invention d’idées originales et excitantes – ce qui, en aparté, devrait lui assurer une longue et fructueuse carrière à Hollywood puisque l’on y adore les pitchs et les gadgets. L’ouverture d’Elysium est séduisante au possible, avec ses deux panoramiques vus du ciel qui se répondent pour nous exposer clairement le monde scindé en deux tel que le scénario l’imagine en 2154. Les ultra-riches se sont recréés un Beverly Hills (ou un Dubaï) sur une station spatiale en orbite, tandis que le reste de la population meurt à petit feu dans la misère et la pollution régnant sur notre « bonne vieille » Terre. Le film se positionne de fait en prise directe avec l’actualité, car ce qu’il décrit n’a rien d’un pourrissement de la situation présente ; c’est la situation présente (le mouvement des « We are the 99% », les ateliers et usines où les ouvriers se tuent à la tâche en Asie, les décharges toxiques géantes en Afrique, etc.), simplement translatée.

Blomkamp vise donc très haut, pour immédiatement rogner ses propres ailes. Jamais il ne développe une vue d’ensemble du sujet, s’en tenant à la même vision à hauteur de quartier qui fonctionnait pour District 9 mais est ici ridicule. On a l’impression qu’ils sont quatre sur Elysium à vouloir protéger leurs acquis, et dix sur Terre à se rebeller… Et la simplification à gros traits des caractères et des conflits de cette poignée de personnages est plus gênante encore, car plus nocive. Sur Terre, à Los Angeles où est basé le film, il n’y a presque que des latinos et des noirs mais celui qui sera leur sauveur a les traits de Matt Damon, héros yankee par excellence ; là-haut en orbite l’existence d’une super-méchante (Jodie Foster), puis carrément d’un super-super-méchant qui la double, rend par comparaison les autres résidents des lieux presque gentils, les soulageant de leur responsabilité bien réelle dans la situation abominable des « terriens ».

Le récit tout entier s’épuise dans cette réduction d’un problème complexe (qui n’est pas sans rappeler le contexte des Fils de l’homme) en une équation aussi sommaire que le deus ex machina final – Elysium est entièrement régie par un programme informatique, il suffit donc de changer le code pour corriger les erreurs du système et assurer le bien-être pour tous. De la même manière, une fois le film restreint à un affrontement à coups de poing entre le représentant du bien et celui du mal, le happy end christique est facile à atteindre. C’est dans cette conclusion que le manque de prise de Blomkamp sur son film se fait le plus sentir : le mauvais esprit de District 9 a été mis au placard (symboliquement, l’acteur de ce dernier film Sharlto Copley passe d’un rôle d’antihéros ambigu à un numéro de sauvage hystérique sans intérêt), le tempo est brusqué pour ne pas dépasser les 1h50, la musique assourdissante et l’épilogue christique nous tapent sur les nerfs.

C’est d’autant plus dommage que cela vient éclipser un autre talent dont Blomkamp avait fait preuve dans la première heure. L’homme sait raconter une histoire, et même des histoires comme il le montre au cours du premier acte. Trois intrigues parallèles indépendantes y sont menées de concert, avec une belle fluidité narrative qui les fait entrer en collision au cours d’une scène d’action remarquable. Enjeux, rebondissements, suspense, idées visuelles (le suivi des événements en direct et en réalité augmentée sur Elysium par satellite interposé), à cet instant tout s’emboîte et emballe. Profitez-en car c’est là le climax du film, où ensuite tout se délite et se disjoint, nous emmenant d’aveu d’impuissance en refus de difficulté. Blomkamp doit définitivement apprendre à tenir sur toute la durée d’un long-métrage, plutôt que de s’en tenir à de belles intentions gâchées.

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