• Duel de comédies stupides : Safari, de Olivier Baroux (France, 2009) vs. Harold et Kumar s’évadent de Guantanamo, de Hayden Schlossberg & Jon Hurwitz (USA, 2008)

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Où ?

À la maison, sur la VOD Canal+

Quand ?

La semaine dernière

Avec qui ?

Seul (MaFemme a déclaré forfait sur Safari au bout de vingt minutes)

Et alors ?

 

Safari se limite en réalité à un pitch de sketch de radio de trois minutes – ce qui donne au film ses deux seules bonnes blagues : « l’Afrique c’est un cri qui
vient de l’intérieur »
et « pour le dessert on a du Savane » –, gonflé pour devenir un long-métrage de cinéma d’une heure et demie. Une telle méthode ne peut
qu’aboutir à un résultat mauvais ; mais cette raison ne suffit pas à elle seule à expliquer l’étendue du naufrage dont nous sommes les témoins. Safari coule à pic
car il concentre toutes les tares imaginables dans son écriture, sa mise en scène, ses personnages, son usage des effets spéciaux, sa musique, etc, etc, etc. Chaque scène semble avoir été conçue
en dépit du bon sens, et sans se soucier le moins du monde de ce que contient la précédente. Du coup, quand on n’est pas atterré par la réalisation que le film est en train de toucher une fois de
plus le fond, on se demande où il peut bien aller avec l’action qui est en train d’avoir lieu, et dans quel cadre celle-ci peut bien s’inscrire.

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Toucher le fond est une chose que Safari fait avec un rythme de métronome – avec pour « feu d’artifice » son générique de fin qui reprend la forme ultra-éculée
(à quand une interdiction légale, ou l’instauration d’une pénalité financière ?) de l’album photo souvenir accompagné par une chanson suintant la guimauve et vrillant nos oreilles. La plupart du
temps, Safari touche le fond comme une conséquence soit de son incapacité à savoir dans quel genre il évolue, soit de son utilisation (certainement irréfléchie plus que
volontaire, mais ça n’excuse rien) de ressorts racistes et misogynes. Dans la première catégorie, on trouve ces deux séquences très douloureuses où le film croit soudain à la possibilité d’une
greffe viable entre la bande de losers qui lui servent de personnages et True lies (Kad et un autre tentent de configurer un missile pour un chef rebelle parlant avec
l’accent québécois) ou Ocean’s eleven (l’empoisonnement du méchant selon un plan super pro et exécuté à la perfection). Scoop : non, la greffe ne prend pas. Dans la
seconde catégorie, il y a cette idée ringarde au possible de l’existence d’une tribu indigène, cannibale et étanche à tout progrès technologique vivant à quelques kilomètres de Johannesburg ; la
caractérisation détestable des deux héroïnes féminines, réduites à choisir entre hystérique coincée et actrice X nunuche ; et encore – le « meilleur » pour la fin – ce dialogue
insurpassable : « Dans quel pays on est ? », « L’Afrique ».

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Le même mois, Canal+ diffuse un exemple américain de comédie stupide : Harold et Kumar s’évadent de Guantanamo, qui avait fait l’objet d’une sortie technique éclair
dans les salles françaises. Pour sûr, ça ne vole initialement pas bien haut avec pour entrée en matière une blague de W.C., et une première blague de masturbation qui arrive deux minutes plus
tard. Ce genre de choses, c’est la partie du film relative à la première moitié de son titre, Harold et Kumar, deux personnages d’adolescents attardés débiles comme on en trouve par
dizaines dans les comédies américaines. Mais il y a la deuxième partie du titre, « s’évadent de Guantanamo », qui oriente le scénario vers une toute autre voie très
correctement représentée et bien menée. L’humour y sert de révélateur à tout ce qui ne tourne pas rond et/ou est inacceptable dans la société telle qu’elle va. C’est un révélateur souvent crétin,
souvent gras (la principale humiliation des prisonniers de Guantanamo consiste à sucer les gardes), mais jamais hors sujet. La scène où des agents gouvernementaux bornés s’en prennent aux parents
des deux fugitifs est brillante et radicale. Après les préjugés d’usage (Harold est d’ascendance coréenne, « donc » nord-coréen ; Kumar a un prénom et une couleur de peau typiques
du Moyen-Orient, « donc » c’est un terroriste arabe alors qu’il est en réalité de parents indiens et né aux USA), les agents croient que les parents coréens ne parlent que cette langue
et donc s’adressent à eux de la sorte. Et quand ces derniers répondent en anglais, ils sont incapables de les comprendre et croient à un dialecte bizarre rempli de paroles insultantes… Entre ce
genre de dénonciation du racisme dans Harold et Kumar et son exploitation dans Safari, la victoire par K.O. du premier se fait sans
contestation.

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Et ça ne s’arrête pas là. Ses deux héros s’évadent assez vite de Guantanamo et rejoignent les USA mais, poursuivant sur son élan, Harold et Kumar défie crânement en
combat singulier tout ce que le pays compte de racistes et de réactionnaires bas de plafond – ça va du Klu Klux Klan et des bouseux du Sud aux stéréotypes en tous genres contre les noirs ou les
juifs. Par un étonnant effet vertueux, cette prise de position élève graduellement la qualité de l’humour étalé, lequel se fait de plus en plus téméraire et déroutant, avec des répliques
ouvertement critiques qui nous atteignent par rafales comme autant d’uppercuts désopilants. On se remet ainsi difficilement des blagues filées sur le gamin cyclope issu d’une union consanguine en
Alabama, puis sur la présence sous son propre nom de Neil Patrick Harris (Starship troopers, How I met your mother) – mais, on espère, pas dans
son propre rôle car il apparaît constamment shooté aux champignons et il marque les prostituées au fer rouge.

  hk-1La voie
comique et la voie politique (oui, osons le terme) fusionnent dans la rencontre avec nul autre que George W. Bush, alors que le film est sorti durant la dernière année de son second mandat
présidentiel. Bush est représenté par un sosie – certainement faute de temps –, il fume un joint avec les deux héros et discute avec eux, sur la base de leurs expériences respectives, de
problèmes liés à la figure encombrante du père. Après ça, la conclusion de Harold et Kumar peut bien s’avérer plus faiblarde, en s’aiguillant sur les rails de la comédie
romantique basique ; cela compte pour du beurre, le film a d’ors et déjà définitivement conquis nos cœurs, nos esprits et nos zygomatiques.

2 réponses à “Duel de comédies stupides : Safari, de Olivier Baroux (France, 2009) vs. Harold et Kumar s’évadent de Guantanamo, de Hayden Schlossberg & Jon Hurwitz (USA, 2008)”

  1. GRANDPIERRE dit :

    je viens de lire votre avis, critique… très personnelle sur le film SAFARI que j’ai produis. Je dois dire que je suis assez impressionné de lire quelqu’un qui passe tant de temps à décrire un
    film qu’il déteste autant. Il y a tellement de films que vous devez aimé, enfin j’espère, que ce serait infiniment mieux que vous donniez à vos nombreux lecteurs envie, de voir à la télévision où
    d’aller au cinéma, des films beaucoup plus respectables que Safari. Heureusement, 2M de spectateurs se sont déplacés au cinéma et, pour votre information, le film a eu une excellente audience et un
    très bon score de satisfaction sur C+. Akunamatata.

  2. <a href="http://cine-partout-tout dit :

    Bonsoir,

    Rassurez-vous : je passe beaucoup plus de temps à voir des films que j’apprécie, et à écrire à leur sujet, que je n’en consacre à leurs confrères décevants. Mais ne pas parler de ces derniers, ou
    en parler sans faire preuve de la même exigence rédactionnelle, serait une discrimination pour le moins regrettable.

    Une autre chose regrettable est que vous soyez venu sur mon blog et n’ayez pas eu l’occasion de lire l’un ou l’autre de ces articles positifs. Je vous y encourage donc chaudement : par exemple
    « Du silence et des ombres », « Ariane », « Les beaux gosses », « Michael Clayton » (ces deux derniers passant également en ce moment sur Canal +), etc.

    Et concernant « Safari », c’est tant mieux qu’il aie réalisé de tels chiffres au cinéma et sur Canal + : les avis discordants tels que le mien ne lui sont ainsi que moins dommageables.