• Courts aux Oscars (USA, France, Canada, Royaume Uni, Japon, 2012-13)

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Où ?

À la maison, en DVD presse

Quand ?

Le week-end dernier (le programme sort ce mercredi 26 février en salles)

Avec qui ?

Seul ou avec MonFils, selon les films

Et alors ?

La cérémonie des Oscars aura lieu à la fin de cette semaine (dans la nuit du 2 au 3 mars), et quasiment tous les longs-métrages en lice pour des statuettes ont eu droit à leur sortie en salles françaises. Cette année, les courts-métrages d’animation bénéficient pour la première fois de ce même traitement, réunis au sein d’un programme auquel ont été greffés trois films supplémentaires, bien que non retenus dans la short list finale de cinq noms. Histoire de faire durer le plaisir, à n’en pas douter. Sur les huit courts, seulement deux sont en effet rébarbatifs – tandis que deux autres sont plutôt bons, et que les quatre derniers tutoient les sommets, chacun à sa manière propre. Pas de chance, les deux à oublier sont les deux français. Sur une idée déjà pas forcément très convaincante à la base (la cour du Roi Soleil à Versailles figurée par des poules et coqs), À la française, l’un des trois « repêchés » de la sélection, tente de produire à partir de catastrophes et de quiproquos un effet boule de neige comique – qui ne décolle jamais. Comme une poule, en fait. Mais avec un atterrissage encore plus douloureux après les deux ou trois malhabiles battements d’ailes. À ses côtés dans la chambre des éclopés, Mr. Hublot souffre de façon particulièrement aiguë du syndrome de la belle coquille vide. L’univers graphique en toile de fond a été imaginé et élaboré avec un soin époustouflant, mais le contenu du récit ne suit absolument pas. Le film met tellement de temps à raconter si peu de choses (pour ainsi dire rien, et un rien avec beaucoup plus de bons sentiments dégoulinants que de matière) qu’il en devient irritant.

À l’opposé de Mr. Hublot on trouve Feral, qui cherche à raconter trop de choses en un temps trop limité. Cela le dessert également, mais dans des proportions nettement moindres. Le personnage principal est un enfant élevé par les loups, qu’un adulte tente de ramener dans la société des hommes. On suit son intégration puis sa désintégration en… treize minutes, génériques compris. C’est bien trop peu pour un sujet si ambitieux, qui se retrouve à peine effleuré. Et c’est d’autant plus dommage que le réalisateur Daniel Souza ajoute aux idées de dessin de très belles inspirations de mise en scène – ainsi ces travellings exprimant l’apparition magique de la civilisation et son abondance d’objets aux yeux du héros. L’autre film du programme à obtenir un oui avec réserves est Le parapluie bleu (deuxième repêché), démonstration de force sortie des disques durs de chez Pixar qu’il était déjà possible de voir en ouverture de Monstres Academy. La magnificence du rendu photoréaliste du Parapluie bleu et la fluidité du moindre de ses mouvements écrasent non seulement les réalisations de la concurrence, mais aussi ses rêves les plus fous. C’est un incroyable festin pour la rétine, du début à la fin, lors de la première découverte comme à chaque nouvelle vision. D’où viennent les réserves, alors ? De ce léger arrière-goût amer que le film laisse, en s’affichant comme l’une des démonstrations les plus radicales du principe de déshumanisation qui semble régir l’œuvre du studio. Ici les hommes sont présents (contrairement à Cars par exemple) mais relégués au rang de serviteurs des objets, au lieu de l’inverse. C’est peut-être mieux d’être absents.

Ce Parapluie bleu de Pixar amène naturellement au Get a horse ! de Disney, qui ouvre le carré d’as de ces Courts aux Oscars avec en tête d’affiche nul autre que Mickey Mouse. Cependant la souris la plus célèbre de l’univers doit laisser la vedette de ce feu d’artifice d’une densité incroyable (il ne dure que six petites minutes) à ce qui le sert d’ordinaire dans l’ombre : les techniques d’animation. Get a horse ! est un petit bijou d’œuvre « méta », qui exploite exclusivement les conventions (format, couleur) et rouages – défilement image par image, « quatrième mur » entre l’écran et le public – du dessin animé en particulier et du cinéma en général pour dynamiter son intrigue. Les péripéties se multiplient et se télescopent à un rythme qui va crescendo jusqu’à atteindre un état de démence terminale, telle que pouvait la provoquer le burlesque éblouissant des Marx Brothers et autres génies des années 1930. Emprunter la voie alambiquée du méta-cinéma pour renouer avec le plaisir enfantin, au premier degré, de cet âge d’or : le succès du pari de Get a horse ! est à la hauteur de son risque.

Dans le genre périlleux, Subconscious password s’installe sans discussion tout en haut de l’échelle. Ce film le plus ouvertement adulte du programme (et troisième des repêchés) est l’œuvre de Chris Landreth, ancien lauréat de l’Oscar du court-métrage d’animation pour Ryan en 2005. Son style auto-baptisé « psychoréalisme » tord notre perception du monde – sans l’affubler d’une peau entièrement neuve comme le fait habituellement l’animation – de la même manière que le héros de Subconscious password se trouve plongé dans un univers déphasé par rapport au réel. Cet univers, c’est son esprit, où il lui faut remettre la main sur le prénom d’un ami en participant à un simulacre de jeu télévisé le confrontant à son « ça » reptilien et son « moi » infantile, tandis que des célébrités (H.P. Lovecraft, James Joyce, Yoko Ono…) viennent suggérer des indices. Tordu et halluciné, méchamment drôle et angoissant à souhait, Subconscious password est un coup de force génial qui fait tenir en équilibre un mélange instable, et ouvre ainsi une brèche vers un autre niveau de réalité. Il y a du Lynch de Twin Peaks ou Inland Empire dans ce court extraordinaire.

Le japonais Possessions traite, d’une manière plus limpide, d’un thème de fond voisin de celui de Subconscious password : le trouble de la perception, qui mue en hallucinations. Dans le Japon médiéval, un artisan ambulant piégé par une tempête trouve refuge pour la nuit dans une mansarde, qui va se révéler hantée par l’esprit des objets qui y ont été abandonnés. Le héros va devoir leur apporter l’apaisement qu’ils méritent, après leur vie de labeur, en les réparant. Même si le trait de crayon y est plus dur (tout en restant très harmonieux), Possessions évoque les films de Miyazaki par sa façon de traiter d’égal à égal les hommes et les fantômes, le spirituel et l’organique, sans instaurer de rivalité mais en réglant toujours leur sort aux menaces par une bonté simple et enchanteresse. La même qui est à l’œuvre, sans interruption ni découragement, tout au long du magnifique La sorcière dans les airs, qui a déjà eu l’honneur d’une sortie en salles sur son nom fin novembre 2013). Adapté d’un livre pour enfants répondant au beau nom de Room on the broom (également le titre original du film), La sorcière dans les airs préserve le rythme paisible du format, et les dialogues poétiques de l’ouvrage. Il aurait de toute façon été contreproductif de changer quoi que ce soit à ce superbe conte sur la fraternité et l’égalité, applicable par les enfants (dans la cour d’école) et les adultes (au sein de la société). Visuellement, c’est une animation image par image en pâte à modeler à la Wallace et Gromit qui est utilisée, comme dans les films de Nick Park, pour prolonger à l’écran la verve espiègle et la tendresse bienveillante de l’histoire ; et rendre à leur tour la sorcière, le chat, le chien, l’oiseau et la grenouille inoubliables sur leur balai.

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