• Cinq ans de réflexion, de Nicholas Stoller (USA, 2012)

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Où ?

À l’Orient-Express, dans la grande salle

Quand ?

Dimanche soir, à 22h

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Poulain de l’écurie Apatow, Nicholas Stoller a lancé sa carrière de réalisateur avec Sans Sarah rien ne va !, œuvre schizophrène tiraillée entre la bluette américaine sage et propre sur soi et une veine comique dépravée et effrontée, entre l’excès de décence et la tentation de l’indécence. Les deux films venant à la suite de cette première fois en sont des développements extrêmement proches – sans que l’on puisse dire si Stoller est déjà entré dans une logique de limitation au maximum des risques commerciaux, ou si au contraire il est obnubilé par un thème précis au point de ne pouvoir s’en détacher. La question est de toute manière secondaire, par rapport à la dure réalité des faits : les longs-métrages en question sont de moins en moins bons. Le deuxième, American trip, spin-off de Sans Sarah… centré sur le personnage fou d’Aldous Snow, faisait de la dualité d’esprit un programme de scénario : une moitié de délire insensé (donc bonne), l’autre de retour de bâton complexé (donc nulle). Le troisième, ce Cinq ans de réflexion qui nous intéresse ici, raconte peu ou prou la même histoire que Sans Sarah…, avec quasiment les deux mêmes personnages principaux.

Soient un garçon, Tom (Jason Siegel, coscénariste ici et déjà scénariste et acteur dans Sans Sarah…), et une fille, Violet (Emily Blunt, nouvelle it girl qui remplace l’ancienne, Kristen Bell) qui forment un couple tendre, talentueux, gentil, charmant, et tous les autres adjectifs qui le rendent idéal – mais barbant, coincé, sans la moindre aspérité. Le scénario nous les présente alors que tout semble aller pour le mieux pour eux (ils se fiancent), puis va passer les deux heures à venir à les faire passer par toutes sortes d’épreuves mettant à mal leur couple. Sur cette trame jumelle de celle de Sans Sarah…, Stoller produit un travail qui se différencie sur deux aspects – préjudiciables : l’horizon vers lequel son regard se porte, et l’absence de seconds rôles forts. Ce dernier point est un coup sérieux porté au film ; les personnages annexes sont transparents au possible, à des années-lumière du trio Russell Brands – Jonah Hill – Paul Rudd qui dynamitait Sans Sarah…. Mais il ne s’agit après tout que de la partie émergée de l’iceberg formé par la faiblesse générale de l’écriture comique de Cinq ans de réflexion. Tout ce qui fait la mécanique de l’humour d’un film, les caractères mais aussi les situations, les quiproquos, les répliques, etc., y est mis en place avec un manque criant d’énergie comme d’originalité. Sentant le réchauffé et étant bien mollement amenés, la plupart des gags sont prévisibles à des kilomètres et/ou tombent à plat.

En ce qui concerne l’horizon du film, la différence est tout aussi nette. Sans Sarah… gardait une importante part d’enfance (les métiers artistiques des protagonistes, le tempérament lunaire de certains, le décor chimérique du resort hawaïen), qui le rendait délicieusement frivole et pétillant par-delà ses défauts. Dans Cinq ans de réflexion, la moindre décision ou déclaration est guidée par une obsession partagée pour la mort, qui viendra, inévitablement, pour tous, et qui obligerait de fait à ne jamais faire le moindre pas de côté, à adopter une attitude rigoureusement convenable et sérieuse. Les vignettes, traitées avec gravité, des funérailles des grands-parents qui décèdent les uns après les autres alors que le mariage de Tom et Violet est sans cesse reporté jouent le rôle de solennelles piqûres de rappel de cette sentence quasi spartiate : on ne vit pas pour soi mais pour la communauté des familles. On se marie par devoir envers le sacro-saint rite du mariage, seul à même de distinguer les vrais couples. Ainsi aiguillonné, le récit en vient à balayer les complaintes concernant des épanouissements personnels sacrifiés, à se transformer en pub géante pour les cérémonies de mariage meringues et leurs préparatifs faramineux. Et, surtout, à se faire le chantre du mariage de raison : peu importe les doutes et les divergences, il faut se mettre en couple, avant qu’il soit trop tard et que le ciel nous tombe sur la tête. De quoi faire de Cinq ans de réflexion une comédie romantique morne, conservatrice, et hypocrite – car le film n’est jamais meilleur que lorsqu’il devient cruel, à l’extrême limite de reconnaître que la vie à deux de Tom et Violet est condamnée à mal finir dans les circonstances qui leur sont imposées.

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