• Caprice, de Emmanuel Mouret (France, 2015)

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Où ?

Au MK2 Quai de Seine

Quand ?

Dimanche soir, à 22h

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Caprice ne se contente pas de se dérouler dans le 7è arrondissement de Paris, le plus bourgeois de la capitale, il est également investi par son esprit. Comme les résidents de ce quartier, Emmanuel Mouret et son film se montrent pétris de bonnes manières, tout ce qu’il y a de plus sages et polis. Un rêve pour le voisinage, mais un cauchemar pour les velléités de cinéma. En effet la politesse s’accorde malheureusement très mal avec la comédie, laquelle a besoin d’étincelles, de folie, de dérapages pour s’embraser et exister. De fait, les quelques bonnes idées burlesques affleurant à la surface du marivaudage sentimental narré dans Caprice sont inévitablement avortées avant de pouvoir pleinement s’exprimer. On a à peine le temps de commencer à sourire d’une facétie de dialogue, de cadrage ou de montage que la parenthèse se referme – pas question de dépasser les bornes, ni de perdre sa contenance. Les maîtres du burlesque « aristocratique », Lubitsch en tête, ne se privaient pourtant pas de provoquer des scandales, de commettre des choses « qui ne se font pas ».

Dans une telle atmosphère de pince-fesses (comme le film nous en impose plusieurs) le drame pourrait mieux se déployer, car la tragédie consiste souvent en cela finalement : un vernis de perfection qui craque, un cadre stable qui se brise. Mais le drame en puissance est lui aussi sans cesse muselé dès qu’il se présente, surtout dans le dernier acte où tout pourrait véritablement tourner à l’aigre, dès lors que l’interrogation lancinante « suis-je véritablement avec la bonne personne ? » se fait plus insistante dans l’esprit des protagonistes. Mais non, ces derniers ne haussent jamais la voix, restent sans cesse maîtres d’eux-mêmes, et s’arrangent pour préserver leur confort, leur situation. La question de ce qui fait et défait les couples – le hasard et les choix, le cœur et la raison – n’est jamais traitée que superficiellement. Tel qu’il est mené, Caprice a quelque chose du manuel de savoir-vivre à l’usage des gens de la bonne société, pour être sûrs de ne pas perdre leurs acquis. Cinématographiquement, cela le rend « monotone, sage, plat, ennuyeux » ; ces mots, Mouret les emploie lui-même à propos d’un manuscrit écrit par le personnage qu’il interprète. Je les trouve tellement de circonstance pour parler de son film, comme une mise en abyme, que je les lui emprunte.

Il reste un qualificatif à ajouter à cette liste, c’est celui de film de vieux, bien que les personnages aient à peine la quarantaine. Cela ne les empêche pas d’abhorrer les jeunes (c’est-à-dire la tranche d’âge ayant juste dix, quinze ans de moins qu’eux), qui leur rappellent au mauvais souvenir de quand eux-mêmes galéraient, avec un logement minuscule et pas de situation établie, alors que maintenant ils sont riches, intégrés, confortablement installés dans le 7è arrondissement ; et qui suscitent une tentation sexuelle à même de vous faire tout perdre. Notez que ces jeunes, les gens du 7è sont tout de même bien contents de les trouver pour faire leurs courses quand la domestique démissionne du jour au lendemain, ou pour réécrire clandestinement un manuscrit minable et en faire une pièce de théâtre à succès. Leur utilité n’est pas remise en cause, mais ce serait mieux s’ils savaient se tenir à la place utilitaire qui est la leur, et ne pas attendre que l’on s’intéresse sérieusement à leurs états d’âme ou à leurs aspirations.

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