• Augustine, de Alice Winocour (France, 2012)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles

Quand ?

Dimanche soir, à 20h30

Avec qui ?

MaBinôme

Et alors ?

Augustine démarre dans le bruit et la fureur. La tempête fait rage à tous les niveaux, dans le ciel au-dessus de la maison où se déroule la première séquence, dans la mise en scène toute en tension et en oppression d’Alice Winocour, et dans le cerveau de l’héroïne, sur le point de subir une des crises d’hystérie qui lui rendent la vie impossible. La montée du suspense, dans l’attente de l’inévitable, est superbement orchestrée, puis l’explosion de l’attaque qui terrasse Augustine est tout aussi impressionnante. L’apparition de l’écran-titre autorise une respiration bienvenue, où nous pouvons reprendre nos esprits entre ce coup de tonnerre liminaire et la plongée immédiate dans ses sinistres séquelles. Car dès le lendemain Augustine est promptement, et sans qu’on lui demande son avis, internée à l’hôpital de la Salpêtrière, où elle rejoint les centaines de patientes formant le bétail étudié par le docteur Charcot dans ses travaux précurseurs d’une nouvelle pratique, la neurologie.

Les premières scènes dans l’enceinte de la Salpêtrière continuent dans le même sens que ce pétrifiant prologue. Winocour s’en tient à un point de vue d’une absolue subjectivité, épousant l’impuissance et la détresse de son héroïne privée de liberté, de renseignements sur son sort, d’échanges d’égal à égal avec d’autres individus. Les cadrages extrêmement serrés, la lumière flottante, les scènes toujours laissées incomplètes composent ce tableau fragmentaire, où tout est subi. On est dès lors assez déstabilisés quand la réalisatrice se détourne de cette belle ligne claire, pour accorder une part de son attention à Charcot. Lui aussi devient un personnage, et non plus un agent parmi les autres du mal imposé à Augustine. Le film se disperse alors, on ne sait plus bien quelle est sa cible, la patiente ou le docteur, et partant de là sous quel angle il cherche à traiter de la maladie – l’histoire personnelle ou l’étude d’ensemble. Dans les deux cas Winocour semble rater le coche, par manque de véhémence dans son traitement des tourments de l’âme. On la croit condamnée à passer de peu à côté d’une belle opportunité, d’un beau sujet ; et à prendre ainsi malgré soi la place vacante, temporellement et thématiquement, entre deux autres études de la science abusive du 19è siècle, Vénus noire de Kechiche et A dangerous method de Cronenberg.

Le premier de ces films est globalement un échec, le second ne s’en sortait qu’au prix d’une périlleuse fuite en avant – battre la raideur de cette époque sur son propre terrain, en la recouvrant d’une mise en scène encore plus austère et sépulcrale. Augustine parvient pour sa part à trouver, in extremis, une brèche par laquelle faire entrer de la fiction, de la vie dans cet univers compassé. L’étincelle se produit lorsque le véritable cœur du film se révèle. L’histoire n’est ni celle d’Augustine, ni celle de Charcot, mais des deux ensemble. La friction de toutes leurs dissemblances (de classe, de désir, de pouvoir), longtemps contenue, crève l’écran dans un duel final sans pitié. La force de ce dernier coup de rein du récit, qui se fonde sur les mêmes superbes dispositions que l’ouverture – atmosphère quasi fantastique, puissance de la seule image par laquelle circulent et débordent toutes les émotions, sans recours aux dialogues –, est révélatrice d’une chose : Alice Winocour savait où elle voulait nous emmener. En narrant une victoire arrachée de haute lutte et renversant les positions établies, plutôt qu’une énième défaite tragique et emblématique, son propos féministe s’anime d’autant d’intelligence que de fougue.

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