• American bluff, de David O. Russell (USA, 2013)

Je like cet article sur les réseaux sociaux de l'internet!

Où ?

Au ciné-cité les Halles, dans une des huit salles nouvellement ouvertes

Quand ?

Mercredi soir, à 19h30

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

Depuis qu’il s’est réinventé en réalisateur de machines à oscars, David O. Russell remonte film après film la pente après être parti à mes yeux de très bas. Je n’avais trouvé aucun intérêt ni qualité à Fighter, puis l’an dernier Happiness therapy m’avait tout d’abord emballé par son audace avant de la perdre – et de me perdre – à mi-parcours. La troisième fois est la bonne puisque je n’ai que du bien à dire d’American bluff. Comme ses deux prédécesseurs, respectivement récit de réussite seul contre tous et contre les circonstances, sur un ring de boxe, et comédie romantique, il s’inscrit dans un cadre de film de genre aux contours très nets : le film d’arnaqueurs, avec en toile de fond l’ambiance disco de la fin des années 1970. Mais au contraire de ses prédécesseurs, American bluff trouve la résolution et les ressources lui permettant de s’émanciper de la tutelle du genre, de la contrainte de ses codes et figures imposées. Ce décorum et cette intrigue à tiroirs ne sont qu’un enrobage, un paquet cadeau avec un joli ruban. Seul compte en réalité l’humain, dissimulé derrière les coups d’éclat du script comme sous les postiches et fausses identités dont s’affublent les protagonistes.

Dans un premier temps, avec son dispositif en flashback et ses protagonistes escrocs, American bluff semble pourtant épouser les méthodes et l’esprit du cinéma roublard né avec les années 2000. Il y a également du Loup de Wall Street en lui, c’est une évidence – l’appétit avec lequel il se lance dans la reconstitution d’un passé récent balançant entre vintage et kitsch, le fatalisme du regard porté sur le fonctionnement de l’État Américain, les arnaques qui s’empilent de manière frénétique et vertigineuse jusqu’à former une pyramide de Ponzi poussant toujours plus à la fuite en avant. Mais au contraire de Martin Scorsese, qui s’engage volontiers tête baissée dans cette voie, David O. Russell est retenu par sa morale personnelle à l’égard de l’humanité. Elle agit comme le mouvement de rappel d’un élastique, forçant le cinéaste à garder à l’esprit et à l’écran les aspirations positives ainsi que les fêlures de ses personnages. Leur faculté, notre faculté à aimer (d’amour ou d’amitié), à pleurer, à se prendre les pieds dans le tapis. À être d’incorrigibles et faillibles rêveurs, comme initialement les héros d’Happiness therapy.

On prend d’ailleurs un grand plaisir à retrouver ici Jennifer Lawrence et Bradley Cooper, dans des (seconds) rôles d’inadaptés proches de ceux qu’ils interprétaient dans ce précédent film en commun. À la différence que cette fois, le scénario ne trahit pas leur nature pour les faire rentrer dans une case qui ne leur correspond pas. La même façon de faire prime pour les têtes d’affiche Amy Adams et Christian Bale, aux personnages rendus attachants par leur candeur et leur vulnérabilité, derrière les ruses et l’aplomb de façade. (Il faut également souligner l’égalité de traitement, d’importance et de leadership entre les rôles féminins et masculins, chose trop rare et ici superbement traitée et affirmée). Être à fleur de peau rend American bluff bien plus charnel que la norme des films hollywoodiens. Déjà dans Happiness therapy, et dans Fighter évidemment, on réglait ses comptes et on extériorisait ses sautes d’humeur à coups de poings et de cris ; ici Russell porte à un plus haut degré encore cette importance du physique, du contact – agréable ou agressif – et de son expectative. Son film est profondément humain, puisqu’il n’y a plus de loi supérieure imposant ce qui est bien ou mal, et sanctionnant en conséquence les actions des individus. Il n’y a que la présence de ceux-ci, et leurs interactions concrètes.

Laisser un commentaire