• 40 ans : mode d’emploi (This is 40), de Judd Apatow (USA, 2012)

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Où ?

Au ciné-cité les Halles

Quand ?

Lundi soir, à 22h

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

La traduction française du titre du nouveau film de Judd Apatow tente la synthèse hardie de deux précédents intitulés, 40 ans, toujours puceau et En cloque mode d’emploi. Le film s’y prête, après tout, en traitant à nouveau de façon explicite d’individus entrant dans la quarantaine, et en renouant pour cela avec des personnages de En cloque…. Pete, Debbie et leurs deux filles Sadie et Charlotte reprennent du service, au centre de la scène cette fois, ainsi qu’une poignée de petits rôles saupoudrés ici et là. Aucune trace par contre d’Alison et Ben, le duo phare de En cloque…, si ce n’est au détour d’une réplique nous apprenant que le second fournit Pete en drogues légales (viagra) ou non (cannabis). La brouille entre Apatow et l’interprète d’Alison Katerine Heigl, qui a déclaré trouver le film sexiste, y est certainement pour beaucoup. Avec la disparition d’Alison, Ben et de l’essentiel de leur groupe, et l’introduction des parents de Pete et Debbie, la pyramide des âges de This is 40 prend un sacré coup de vieux. Ce fait est plus problématique qu’anecdotique, car le film manque justement de tout ce que les jeunes apportaient aux autres réalisations d’Apatow : des enjeux primordiaux, des poches de délire gratuit et potache.

Les post-adolescents qui peuplent 40 ans, toujours puceau, En cloque… ou encore Funny people avaient une vie entière à construire, avec ce que cela comporte de choses essentielles à gagner ou à perdre ; et néanmoins une insouciance suffisamment forte pour occulter ce fardeau et s’offrir des tranches de rire bête et salvateur. Ils étaient tout à la fois tragiques et comiques, créant la dynamique irrésistible qui tirait ces films vers le haut et à laquelle This is 40 tourne le dos. Apatow bâcle ses seconds rôles, et empêtre les premiers dans un embourgeoisement matériel qui anesthésie tout excès dans un sens ou dans l’autre (la virée en amoureux dans un hôtel de luxe, d’une platitude déprimante). Funny people empruntait déjà cette voie, avec le personnage d’Adam Sandler qui possédait tout ce que la société moderne du spectacle et de la consommation a à offrir ; mais le récit avait pour finalité le dynamitage de cet affichage de bonheur factice, par la révélation crue de sa face obscure et abjecte. Rien de tel dans This is 40, si bien que lorsqu’Apatow fait dire à un personnage que Pete et Debbie sont un « couple de pub de merde pour une banque » cela sonne presque comme un aveu.

De manière bien commode le personnage en question sera évincé dans la minute qui suit, sans que le fond de son propos ait été abordé. Il y aurait pourtant de quoi, tout dans le style de vie du couple (la maison immense, les deux voitures haut de gamme flambant neuves, le suréquipement technologique dernier cri, la réception d’anniversaire fastueuse, les métiers « in » – propriétaire d’une boutique de mode, patron d’un petit label de musique) hurlant « First world problems ». Pour les transformer en vrais problèmes, il aurait fallu mettre les pieds dans le plat de la tragédie. This is 40 avait pour cela deux moteurs : la peur de décliner en vieillissant, et la hantise du déclassement social – toute l’existence de Pete et Debbie a été construite à crédit, au-dessus de leurs moyens, soit une problématique très actuelle. Mais ces deux moteurs sont maintenus à l’arrêt par Apatow, qui s’installe dans le déni de la nature grinçante de son sujet en voulant à tout prix préserver un esprit léger, sympa. Privé de fond et de personnages, dénué de forme (Apatow n’a jamais brillé par sa mise en scène, ce qui d’habitude n’était pas gênant car le reste compensait), This is 40 se réduit à un stand-up illustré. Qui plus est trop long, souvent fainéant, et à l’inspiration vacillante – les scènes réussies, aux répliques qui font mouche et provoquent des rires francs, représentent une trop faible minorité par rapport à ce que le film rate ou ne mène pas à terme.

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