• 2 automnes 3 hivers, de Sébastien Betbeder (France, 2013)

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Où ?

Au MK2 Beaubourg

Quand ?

Mercredi il y a dix jours, à 14h, entre deux repas de Noël

Avec qui ?

Seul

Et alors ?

2 automnes 3 hivers arrive à point nommé, sous le sapin, pour clore comme il se doit une année marquée par un beau vent de renouveau dans le cinéma français. Imparfaits mais tapageurs, habités par une énergie créative, une volonté d’en découdre, en somme une vitalité ardente, Les rencontres d’après-minuit, La bataille de Solférino, La fille du 14 juillet ont tour à tour apposé leur marque singulière et leur manière de faire décalée, à rebours des courants dominants. Contrairement à eux, 2 automnes 3 hivers n’est pas un premier long-métrage ; mais il partage son acteur principal Vincent Macagne avec les deux derniers cités, ce qui équilibre la balance. Et surtout, comme ses trois semblables, il assume crânement son parti-pris d’artificialité de surface – la forme (dé)structurée comme un collage pop – et d’émotions intimes jetées sans filtre à l’écran pour ce qui est du contenu de l’œuvre. 2 automnes 3 hivers se présente comme la succession de quarante-cinq saynètes (avec un décompte), de durée variable même si elles ont tendance à s’allonger à mesure que le film progresse. Toutes ne sont pas réussies : parfois le déclic ne se produit pas, l’idée censée servir d’étincelle s’éteint sur place comme ces allumettes que l’on gratte et qui ne donnent aucune flamme. C’est plus souvent le cas lorsque Betbeder s’essaie au petit jeu des clins d’œil aux références culturelles et à l’actualité du temps présent, de Michel Delpech à Judd Apatow et de Nicolas Sarkozy au Simply Market. Alors le film devient bataille navale, les coups dans l’eau alternent avec ceux faisant mouche.

Par contre, quand 2 automnes 3 hivers concentre son attention et ses efforts sur la vie intime de ses protagonistes, leurs secrets et leurs douleurs, il y a beaucoup moins de raté et beaucoup plus de sublime. Les petites histoires mi-racontées, mi-vécues font alors autant d’effet qu’un poème ou un haïku – surtout lorsque Betbeder parvient à leur donner une forme accomplie, bouclée, avec l’intitulé affiché sur le carton en ouverture de la saynète qui revient à la fin sous forme de dialogue, comme chute du micro-récit. C’est le moment de parler du dispositif formel du film, unique en son genre, d’abord déroutant puis poignant. Betbeder entrelace des bouts de scènes joués classiquement et d’autres rapportés face caméra par les personnages devenus narrateurs sur fond vert, sans règle autre que le désir de soutenir le mouvement et maintenir l’état de surprise. La plus grande des surprises que nous réserve 2 automnes 3 hivers est la prise de conscience qu’une émotion vive naît peu à peu de cet échafaudage narratif. Les héros nous sont de plus en plus proches, et 2 automnes 3 hivers mue en film générationnel, pour reprendre une expression galvaudée et trop souvent transformée en slogan. Cette fois-ci elle retrouve son bien-fondé, car les parts sombre et désabusée de cette génération trentenaire sont de la partie – les peines profondes que sont l’impuissance face au malheur, l’angoisse d’une mort qui vous emporterait trop tôt, l’incapacité à faire quelque chose de grand de sa vie, et qui mènent au besoin de se contenter de cultiver son petit jardin, tel Candide, en pliant sans rompre face aux tempêtes qui adviennent.

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