• Tonnerre sous les tropiques, de Ben Stiller (USA, 2008)

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Où ?

Au MK2 Quai de Loire, dans une petite salle (pleine)

Quand ?

Mercredi soir, à 22h

Avec qui ?

Ma femme

Et alors ?


Pendant un peu plus d’heure, Tropic
thunder
(je vais m’en tenir au nom anglais, car bon, Tonnerre sous les tropiques, vraiment… ce titre doit plus son existence à la tradition implacable de traduire en français
les titres de comédies qu’à une quelconque valeur intrinsèque) est une formidable tempête de napalm déversée sur le système hollywoodien. Le souci d’une quelconque cohérence narrative vole en
éclats avant même le générique d’ouverture, via une publicité et 3 bandes-annonces – toutes fausses, évidemment – débiles à souhait qui servent de présentation aux 4 acteurs principaux du
spectacle à venir. Spectacle, plutôt que film, car Tropic thunder fonctionne par enchevêtrement erratique des degrés de réalité : en gros, il s’agit d’un film sur le tournage
d’un film sur lequel le réalisateur veut faire croire aux acteurs qu’ils ne sont plus dans un film, ce qui va réellement finir par se produire contre son gré (**spoiler** : très
symboliquement d’ailleurs, le réalisateur du film dans le film est assez vite supprimé de cette mécanique délirante).

La même confusion schizophrène agit au niveau des acteurs. Au petit jeu de la parodie et du clin d’œil, on reconnaît avec délectation au casting de Tropic thunder – le film dans
le film – Jack Black en décalque héroïnomane de Eddie Murphy (son heure de gloire : avoir interprété les 6 rôles d’un film sur une famille d’obèses pétomanes) ; Robert Downey Jr. en
Russell Crowe – australien, blond aux yeux bleus, 5 (!) Oscars – qui s’implique tellement dans ses rôles qu’il a décidé cette fois-ci de se faire pigmenter la peau pour devenir noir pour jouer un
sergent noir (l’idée comique de la décennie) ; et Ben Stiller lui-même en Tugg Speedman, mélange improbable de Stallone (« Le rôtisseur » n°1 à 6) et de Robin Williams
dans Jack de Coppola où il joue un attardé mental. Ici le titre d’un tel film devient Simple Jack… Mais à côté de ce trio, on trouve aussi dans Tropic
thunder
– le « vrai » film – des acteurs renommés, identifiables, dans des rôles de composition : Nick Nolte en vétéran du Viêtnam, Matthew McConaughey en agent de Tugg,
et surtout, surtout, Tom Cruise en patron de studio chauve, velu, gros, juif, despotique, vulgaire au dernier degré (2è idée comique de la décennie, j’y reviens plus loin).


Ce chaos pousse jusqu’au point de non-retour un concept déjà présent dans Zoolander, le précédent film et chef-d’œuvre définitif de Ben Stiller, avec le « syndicat d’acteurs
/ mannequins tueurs à gages » (qui allait jusqu’à convoquer l’assassinat d’Abraham Lincoln par John Wilkes Booth !). A savoir que la différence entre le réel et l’artifice n’est plus qu’une
notion floue et lointaine – le scénario le fait même dire (en beaucoup plus drôle que cette formulation) à deux des acteurs au cours d’un dialogue surréaliste sur la véracité des identités à
jouer et des émotions à ressentir. Ce qui était par contre absent de Zoolander et qui éclabousse ici chaque scène, c’est le plaisir transgressif et décomplexé de la vulgarité et
du politiquement incorrect. Comme Step brothers,
l’autre grande comédie de l’été (qui sortira finalement le 19 novembre en France), Tropic thunder se délecte à ne rien respecter et à provoquer de la manière la plus puérile et
frontale qui soit. Cela commence avec la pub pour la boisson Booty juice (« sueur de fesses ») promue par un rappeur noir, continue avec les digressions délirantes qu’offre
l’amputation des deux mains du vétéran du Vietnam conseiller sur le tournage et l’apparition des trafiquants de drogue asiatiques bas de plafond et qui vénèrent la performance de Tugg dans
Simple Jack, et culmine dans un ravageur montage alterné entre 3 séquences.


Pour n’en dévoiler que le minimum : Tugg rejoue sur une scène improvisée l’ensemble de Simple Jack ; sous les effets de sa crise de manque d’héroïne, un Jack Black en slip
ligoté à un arbre fait les propositions les plus avilissantes qui soient (et dans les termes les plus crus et obscènes qui soient) aux autres acteurs pour qu’ils le libèrent ; accompagné par
son assistant, Tom Cruise danse et rappe sur un sample funk pendant de longues secondes proprement hallucinantes, qui se transforment peu à peu en minutes. Hilarant, ce montage exprime
également de façon fulgurante la répartition impitoyable des rôles à Hollywood. Malheureusement, et comme Step brothers, Tropic thunder peine à procurer une
dernière partie à la hauteur de ce point d’orgue. Perdant le fil de sa satire dévastatrice, Ben Stiller achève son délire par une scène d’attaque de village bien trop longue, pleine d’explosions
et des clichés du genre mais dénuée de pertinence et d’impertinence. L’épilogue, expédié et peu inspiré, sonne lui aussi creux. Même le retour de Tom Cruise pour le générique de fin ne parvient
pas complètement à redresser la barre. Par contre, Ben Stiller serait bien inspiré de faire du personnage de celui-ci le rôle central d’un prochain film. En tant que comique de sa stature, il en
a même le devoir moral.

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