• Sparrow, de Johnnie To (Hong Kong, 2008)

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Où ?
Au ciné-cité les Halles, dans une des grandes salles

Quand ?
Dimanche matin, à 11h. Public assez clairsemé, mais autant que dans les allées du Forum des Halles, dont le vide le dimanche est presque surréaliste par rapport au grouillement permanent en
semaine

Avec qui ?
Seul

Et alors ?

Petite baisse de régime pour Mister To. Pour la 1ère fois, l’homme qui tourne plus vite que son ombre (l’étonnant Mad detective est sorti il y a tout juste 3 mois, et il
ne s’est pas encore écoulé une année pleine depuis le jouissif Exilé) mérite le reproche presque trop évident pour un stakhanoviste dans son genre : il aurait dû plus travailler son scénario. Car
Sparrow trahit de manière beaucoup trop évidente qu’il a été mis en chantier uniquement pour donner vie à 2 séquences, il est vrai formellement sublimes – sûrement ce que To a
tourné de plus beau, avec les 2 gunfights qui ouvrent et referment Exilé. En plus de la virtuosité d’un instant, la réussite de ce dernier venait du fait que ses
protagonistes avaient ce qu’il faut d’épaisseur et de charisme pour maintenir l’intérêt sur la durée. Sparrow pèche sur ce point, avec des personnages bien trop transparents pour
que l’on s’attache à eux. L’absence d’enjeux sérieux, vitaux (dans Exilé, le ton était à l’insouciance mais les risques mortels) enfonce le clou et le constat est là : devant
ce film, on s’ennuie par moments comme jamais depuis des lustres devant un Johnnie To.

Reste donc les 2 morceaux de bravoure. Ils confirment 2 choses : que To est l’un des plus importants cinéastes actuels en termes de recherche formelle et de beauté plastique, et qu’il est
actuellement dans une période passionnante pour lui comme pour nous, où chaque film va visiter de nouveaux territoires inattendus. On avait déjà vu le To sans flingues (Election), le To européen (Exilé), le To
fantastique (Mad detective) ; voilà le To des années 50-60, tendance Diamants sur canapé, avec sa bande-son adéquate – signée des 2 français Xavier Jamaux et
Fred Avril -, ses couleurs éclatantes, ses accessoires désuets (un appareil photo en noir et blanc, une bicyclette) et son héroïne fragile et malicieuse. Tous ces éléments s’unissent dans la
scène de séduction du personnage principal par l’héroïne, où To réussit à littéralement arrêter le temps par un savant mélange d’extrêmes gros plans et de ralentis, pendant l’instant où les 2
personnages partagent une cigarette – qui est, pour nous devant l’écran, un instant de grâce et de pure magie de cinéma.

Les mêmes méthodes sont réemployées par le réalisateur pour la scène finale, qui sort de nulle part mais est tellement belle… Sous une pluie battante comme on n’en voit qu’au cinéma, un passage
piétons devient le lieu d’un stupéfiant pas de deux entre 2 camps de pickpockets armés de parapluies et de lames de rasoir. Dénué d’un réel suspense accrocheur, ce climax fascine malgré
tout pour sa beauté et la perfection de sa chorégraphie. A sa grande époque, John Woo se réclamait de l’influence de Jacques Demy ; Johnnie To, son successeur sur le trône du cinéma HK, se
passe de telles déclarations et laisse ses films parler pour lui.

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