• Serpico, de Sidney Lumet (USA, 1973)

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Où ?

 

Chez moi, en DVD zone2

 

Quand ?

 

Lundi soir

 


Avec qui ?

 

Seul

 


Et alors ?

 

Comme son héros éponyme, Serpico est un film âpre, dérangeant, pas aimable. C’est aussi du théâtre filmé, au sens où tout le film, telle une pièce de théâtre, tord le
réalisme et lui préfère l’étude approfondie d’un conflit moral. Énoncé : le souci d’intégrité personnelle autorise-t-il la moindre concession ? Cas d’étude : le flic Frank Serpico, entré dans la
police par idéal et confronté dès ses premiers pas à la corruption généralisée, qui va des primes auto décernées sur les sommes d’argent récupérées chez les dealers aux bakchichs, voire à
l’immunité accordée à certains criminels contre services rendus. Face à l’opiniâtreté de Serpico à dénoncer le système, chacun y va de son excuse toute trouvée : c’est comme ça que ça marche, ça
remonte plus haut que moi, j’ai un salaire de misère…

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Mais Serpico ne veut rien savoir ; il est l’intégrité incarnée. Plutôt que de tenter d’humaniser le personnage, Lumet modèle donc son film à l’image de la folie de celui-ci (un peu comme ce
qu’il fera 2 ans plus tard dans The offence) : les lieux, les personnages qui constituent son univers ne sont qu’une vague toile de fond, complètement interchangeable.
D’où leur multiplication dans une succession de 2 heures de séquences coupées au plus court (cette fois, c’est au Prince de New York que l’on pense, où le même principe
sera repris dans un but sensiblement différent), puisque où qu’il soit et quelque soit la personne avec qui il est, Serpico n’a que ça en tête et à la bouche – la probité inhérente à l’engagement
policier. Al Pacino a le charisme théâtral nécessaire pour assumer la solitude permanente d’un tel personnage et sa gloutonnerie à voler chaque scène à tout ce qui l’entoure, et pour retourner à
son avantage le fonctionnement déceptif du film, lequel (pas + que The offence, on y revient) n’est un polar.

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Ce caractère déceptif est assumé frontalement par Lumet, via la structure en flash-back employée : l’ouverture du film montre Serpico opéré d’urgence après avoir été flingué à bout portant. Quand
on revient à cette scène dans la dernière partie, on apprend que cette balle reçue n’a rien à voir avec l’affrontement larvé entre le héros intègre et ses collègues. L’intégrité n’apporte pas
plus de haine frontale que de respect et de gloire. Seulement du mépris et de l’oubli – ainsi dans le dernier plan, c’est comme si le film lui-même avait oublié Serpico.

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Auparavant, Lumet aura montré tant l’absolue nécessité d’une telle attitude (par la dénonciation des manquements inacceptables à la loi et à la justice commis par les collègues de Serpico au nom
de la pérennité de leur petit système véreux) que ses limites – Serpico y perd la femme qui l’aime, et semble à plus d’une reprise se complaire dans sa posture d’opposant total, insatisfait car
se rendant volontairement impossible à satisfaire. Le film ne donne aucune piste, mais donne toutes les cartes pour que ce soit ensuite au tour du spectateur de questionner sa propre conscience :
avec ces pour et ces contre, jusqu’à quel point suis-je moi-même prêt à rester intègre et fidèle à mes idées dans le(s) domaine(s) qui me concerne(nt) ? Question vaste et complexe, et en même
temps indispensable.

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