• Panique au village, de Vincent Patar & Stéphane Aubier (Belgique, 2009)

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Où ?

A l’UGC Orient-Express, dans la mythique salle 7 (la plus petite de Paris, rappelons-le), où le film traînait déjà sa peine en deuxième semaine… Le monde du cinéma commercial est cruel.

 

Quand ?

Mardi soir, à 21h30 (soit la toute dernière séance sur Paris – ah non, le film passe encore cette semaine au MK2 Hautefeuille dans le 6è, courrez-y !)

 

Avec qui ?

Seul, avec une quinzaine d’autres spectateurs

 

Et alors ?

 

Panique au village est l’un des films les plus crétins et absurdes qui soient. Un mois et demi avant la date de clôture des inscriptions, on peut d’ailleurs déjà dire sans fausser
la compétition qu’il recevra à n’en pas douter le « 2009 Will Ferrell award (for great achievement in stupidity and sillyness) » remis confidentiellement par ce blog que
vous êtes en train de lire, et qu’il succèdera ainsi au lauréat 2008 Step brothers, dont l’acteur principal prête son nom à la récompense.

[Pour être sûr de bien faire les choses, Panique au village est même allé jusqu’à reproduire un plantage commercial à la hauteur de son prédécesseur. Ce qui n’était nullement
nécessaire : sur cine-partout-toutletemps, nous acceptons aussi les
succès au box-office comme nominés potentiels pour le « Will Ferrell award »].

Panique au village est tellement crétin et absurde que les personnages animés qui le peuplent en ont eux-mêmes conscience, comme les « mais qu’il est con »
qu’ils se lancent mutuellement au visage à longueur de scènes (pour commenter les conneries des autres avant d’en faire à leur tour de sorte que la chaîne ne se brise pas) sont là pour le
démontrer. Bien sûr, cela aurait constitué un suicide artistique suprême que de tenter de mener un récit sérieux via le parti-pris visuel du film. Les réalisateurs Patar et Aubier travaillent en
stop-motion (un procédé – remarquablement, bien sûr – expliqué dans cet article récent) à partir d’une base
réelle : des figurines sorties de coffres à jouets et de brocantes. L’animation de celles-ci est volontairement rudimentaire – mais elle existe – et l’univers dans lequel elles évoluent
préserve une ingénuité et une évidence cohérentes de leur propre modestie. Les personnages portent des noms immédiatement liés à leur caractéristique première (un cow-boy s’appelle Cowboy, un
indien Indien, un gendarme Gendarme… mais des Steven et des Gérard traînent également ici et là), les décors en arrière-plan sont des toiles peintes primitives et les premiers plans des
représentations symboliques naïves de leur concept – une prairie, une ferme, un désert de neige, des fonds marins… Panique au village est formellement proche d’un livre ou d’un
vieux dessin animé artisanal pour jeunes enfants, une impression renforcée par la convention retenue de faire parler dans la même langue tous les protagonistes, humains comme animaux.

Tout de même, entre l’hypothétique sérieux dramatique évoquée plus haut et la stupidité sans queue ni tête issue de l’imagination de Patar et Aubier, il y a un gouffre. Panique au
village
déroule 1h15 durant un « marabout – bout de ficelle » appliqué au scénario pris au sens large : progression de l’intrigue (Cowboy et Indien passent une commande de
briques sur Internet pour construire un barbecue pour l’anniversaire de Cheval, une erreur de frappe leur en fait acheter une quantité astronomique au lieu des cinquante souhaitées, ils cachent
le « surplus » sur le toit de la maison de Cheval, la maison s’écroule sous le poids, etc. – un etc. garanti de plus en plus extravagant), mais aussi tous les événements, contextes et
dialogues annexes. Patar et Aubier ne se posent jamais pour souffler ou se reposer sur ses acquis, au point qu’une expression souvent galvaudée paraît ici plus évidente que jamais :
chaque plan de Panique au village compte une dizaine d’idées nouvelles. Et pas question de les surprendre en flagrant délit de
dérapage incontrôlé : si le résultat final est aussi surréaliste et improbable qu’il est possible de le concevoir, la logique interne qui mène de chaque point au suivant est inattaquable –
une fois quelques hypothèses de base posées et admises, par exemple la possibilité de croiser au milieu de nulle part un robot pingouin géant dirigé par des scientifiques maîtres ès-kung-fu et
utilisé à des fins de bataille de boules de neige à grande échelle.

On l’aura compris, Panique au village emporte notre adhésion pleine et entière en ayant la franchise et la détermination de mener à son terme chaque délire, de ne jamais rien
brider de ses folles idées. Pour ce faire, les deux réalisateurs peuvent s’appuyer sur l’implication totale des interprètes des voix. On reconnait les timbres si particuliers et parfaitement
adaptés de Benoît Poelvoorde (grandiose en fermier hystérique), Jeanne Balibar et Bouli Lanners dans des rôles secondaires, mais les deux réalisateurs sont eux-mêmes (Cowboy et Cheval) tout aussi
hilarants. Il est de toute manière objectivement difficile de faire ressortir une personne en particulier, tant la direction donnée par Patar et Aubier est celle d’une performance d’ensemble
proche de ce que pourrait faire une troupe d’improvisation. Les voix s’additionnent, se superposent, certaines ne sont parfois qu’un bruit de fond ou bien se transforment en onomatopées et en
marmonnements indistincts. Il n’y a que de très rares coupes nettes entre les dialogues et le silence, c’est plutôt un flux incessant de paroles et de sons qui traverse Panique au
village
et lui apporte la continuité qui unit ce désordre généralisé. Et contribue à en faire rien de moins qu’un petit chef-d’œuvre inimitable.

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