• Madame de…, de Max Ophuls (France, 1954)

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Où ?

A la cinémathèque, en ouverture du long (2 mois) et quasi-exhaustif (presque une centaine de films, seuls une poignée manquent à l’appel) hommage à Danielle Darrieux

Quand ?

Mercredi soir

Avec qui ?

Mon compère de cinémathèque

Et alors ?

Comme prévu, suite de la découverte de l’œuvre de Max Ophuls, débutée il y a quelques jours avec son ultime film, Lola Montès. En deuxième, voici cette fois son
avant-dernier long-métrage, Madame de…. L’un et l’autre partagent un même prétexte scénaristique – le destin fastueux virant au tragique d’une femme trop belle et trop
passionnée – débordé de toutes parts par une même virtuosité de filmeur. On retrouve ainsi dans Madame de… cette même « surchauffe » de l’intrigue, qui explose ici et
là devant la splendeur ou la créativité de certains plans et a du mal à reprendre son souffle à l’attaque de la séquence suivante. Dans le cas présent, l’effet est en plus peut-être amplifié par
le fait que le film soit adapté d’un roman, d’où un certain air décousu – beaucoup de choses à retranscrire, peu de temps pour le faire.

Cela affecte surtout la partie dramatique du film, là où il faudrait tempérer le rythme, allonger les scènes, pour retarder et rendre le plus redoutable possible l’approche inéluctable de la
catastrophe finale. Mais repartons du (prodigieux) début. Du plan-séquence inaugural, qui suit les hésitations de l’héroïne (Danielle Darrieux, sublime dans toutes les nuances et toutes les
circonstances) devant sa penderie quant à quelle richesse matérielle (fourrure, bijou, robe…) revendre pour honorer ses dettes, à l’étourdissante succession, tendant vers l’infini, de danses
consommées passionnément par Madame de et son amant, la première demi-heure est une leçon de haut vol sur l’art du cinéma. Là où d’autres se distinguent brillamment par leurs dialogues ou leurs
personnages, Max Ophuls s’en remet entièrement à son talent caméra en main pour atteindre la quintessence d’un genre. La comédie lubitschienne (les pérégrinations d’une comtesse espiègle et
enfant gâté dans la haute société parisienne, doublées d’un quiproquo rocambolesque autour d’un bijou passant de mains en mains) puis le déchaînement irrépressible de la passion amoureuse y
passent, avec le plus grand bonheur.

La suite est, je l’ai déjà dit, moins étincelante. Mais la flamme du septième art qui nourrit de toute évidence les films d’Ophuls ne s’est pas éteinte d’une minute à l’autre. Les décors, la
musique, les mouvements de caméra, la direction d’acteurs forment un tout homogène et séduisant, un bel écrin au piège qui se referme sur les trois joueurs. Trop orgueilleux, le mari (sûr de
pouvoir manipuler les autres à sa guise et d’avoir en toute circonstance le dernier mot), la femme (croyant avoir avec sa frivolité surjouée et son pouvoir de séduction une armure inaltérable) et
l’amant (qui pense pouvoir se retirer de la partie à tout instant et sans comptes à rendre) s’entredéchirent dans cet univers feutré. L’enchaînement foudroyant des dernières scènes n’a plus alors
qu’à reboucler cruellement sur des moments plus légers vécus auparavant – une prière à l’église, une excursion à cheval dans la campagne – pour rendre sa sentence. Une méthode qui annonce le
déroulé implacable de Lola Montès, de même que la manie d’Ophuls (naissante ici, débridée dans Lola Montès) de surcharger de vie le cadre : beaucoup de plans, de
mouvements panoramiques captent dans un coin une action, une réplique d’un personnage anonyme qui marque les esprits, et fait du film plus qu’un « simple » récit unidimensionnel.


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