• L’étrange histoire de Benjamin Button, de David Fincher (USA, 2008)

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Où ?
Au CC East Village, dans le quartier du même nom de New York

Quand ?
Vendredi après-midi, heure tellement creuse que l’on aurait facilement pu entrer sans payer

Avec qui ?
Ma femme

Et alors ?

Un immense gâchis. Voilà le sentiment qui règne lorsqu’après deux heures de détours et d’errements, de scènes trop longues et d’autres inutiles, L’étrange histoire de Benjamin
Button
se saisit enfin d’un des aspects substantiels de son sujet – l’histoire d’amour condamnée à être éphémère entre deux personnes pour qui « la vie n’a pas le même sens ». Benjamin
Button est en effet né avec les attributs physiques d’un individu de 80 ans (arthritique, dur d’oreille, quasiment aveugle) et rajeunit progressivement, là où tous les autres, en particulier sa
dulcinée Daisy, suivent le chemin classique. Ces deux-là ne peuvent être ensemble que quelques années, quand ils ont plus ou moins le même âge apparent. Et la séquence a beau arriver après
moultes déconvenues et être quelque peu expédiée en un montage filé, elle suscite une grande fièvre romantique, preuve de la force inouïe de l’idée de base de la nouvelle de Fitzgerald dont est
tiré le film.

Par la suite, d’autres étapes à fort potentiel sont traitées avec la même impatience : l’angoisse liée à la conception d’un enfant ; la jeunesse tardive de Benjamin ; son déclin vers la mort.
L’implication que l’on y porte se délite d’une fois sur l’autre, car on ne nous la fait plus mais surtout à cause des gros problèmes de scénario du film. Ceux-ci sont l’expression d’un véritable
je-m’en-foutisme, qu’ils soient mineurs (le traitement de l’évolution physique de Benjamin, le rôle de la voix-off perdent toute logique dans la dernière partie) ou profonds. Plusieurs choses
relèvent ainsi du pur opportunisme sans motivation de fond : le gadget narratif déjà vu cent fois du journal intime comme support à un récit en flash-backs avec interludes inutiles au présent ;
les multiples recyclages par le scénariste Eric Roth d’éléments de son script pour Forrest Gump, dont certains sont de véritables photocopies – à commencer par le concept du
freak donneur de leçons de vie. Si l’on voulait être clément envers Roth, on pourrait échafauder une théorie selon laquelle Forrest Gump était tourné vers la vie et
l’Amérique triomphante (le héros, comme son pays, survit à tout et en ressort plus fort), tandis que dans …Benjamin Button tout n’est que mort et oubli. Révolu, rejeté dans les
pages des livres d’histoire, le XXè siècle est réduit à une suite de clichés succincts et figés sur la ségrégation raciale, la Seconde Guerre Mondiale, la parenthèse enchantée des années 50-60…
Mais la manière dont le dernier de ces clichés, l’ouragan Katrina, est liquidé au profit d’un épilogue en forme de spot pour une assurance-vie, n’incite pas à une telle clémence.

On en vient à se demander a posteriori si la partie introductive sur l’enfance du héros n’est pas rallongée uniquement pour rajouter des scènes à effets spéciaux – le visage de Brad Pitt y est
rajouté numériquement, à différents stades de vieillissement, sur le corps d’acteurs nains ayant joué les dites scènes. Objectivement, le résultat est effectivement saisissant. On peut penser que
ce défi technique a joué dans la participation de l’acteur et du réalisateur David Fincher à ce projet qu’aucun des deux n’a initié. Pour le reste, ils s’acquittent tous les deux de leur tâche
avec professionnalisme mais sans aucune étincelle de génie. Fincher en particulier n’avait jamais été aussi transparent. La problématique du mensonge inhérent au cinéma et à la production
d’images, centrale dans son oeuvre et même à son paroxysme dans son précédent film Zodiac, est
ici totalement absente : toutes les scènes, tous les plans sont à prendre au premier degré, rien ne les relie, rien ne les dérègle. Un tel laisser-aller (l’épilogue – on y revient – est aussi mal
filmé qu’écrit) est aussi déconcertant que celui observé dans L’échange de Eastwood.

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